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La couronne de feu

La couronne de feu

Titel: La couronne de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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les anciens compagnons de Jeanne avaient envisagé son enlèvement, ce qui n’était pas une entreprise facile.
    – Votre visite, dit-elle, m’honore et me rassure. Cependant vous pourriez faire davantage pour moi.
    – Et quoi donc, ma fille ? demanda Carlier.
    – J’ai besoin d’argent.
    – Auriez-vous, murmura Romain, l’intention d’acheter la complicité de vos gardiens pour vous évader ?
    – Cela se pourrait. Je ne puis vous en dire plus. Il vous sera facile de me faire parvenir cet argent. Vous saurez où me trouver car mes déplacements ne passent pas inaperçus.
    Carlier se gratta le menton d’un air perplexe.
    – Notre ville n’est pas très riche, dit-il, mais nous ferons notre possible pour vous satisfaire.
    – Je ne demande pas des cents et des mille. Une cinquantaine d’écus seraient les bienvenus, mais faites vite car j’ignore de quoi demain sera fait. Mon intendant va rédiger une lettre confirmant ma requête afin que vous la remettiez à qui de droit, avec mes remerciements, bien entendu...
     
    À quelques jours de là, alors que, pour s’occuper et prendre quelque exercice, Jeanne aidait à la lessive dans la cour, la dame s’approcha d’elle pour lui dire sans la moindre émotion dans la voix :
    – Il semble, ma fille, que la loterie ait tourné en faveur des Anglais dans le jeu qui concerne votre sort. Ils ont enfin obtenu que vous leur soyez remise et que l’on vous transfère dans un autre lieu, j’ignore lequel. C’est ce dont vient de m’informer une lettre de mon époux.
    Prise d’un tremblement, Jeanne laissa tomber à terre le linge qu’elle était en train d’essorer et s’enfuit en courant dans sa cellule en dissimulant ses larmes dans un pli de son tablier. Elle tomba dans les bras de son intendant en gémissant :
    – Jean... oh Jean... voilà qui est fait : je viens d’être vendue aux Anglais...
    – Maudits soient Bourgogne, Luxembourg, Bedford et les Godons ! s’écria-t-il en serrant les poings. Vous vendre, Jeanne, comme du vulgaire bétail... Et Charles qui ne fait rien pour vous ! Charles qui vous doit tout !
    Jeanne passa le restant de sa journée sur son grabat en laissant tourner dans sa tête des idées noires comme des vols de corbeaux. Alors que la nuit tombait dans une brouillasse de pluie, elle annonça à Jean et à ses gardiens qu’elle allait respirer la fraîcheur du soir au sommet du donjon ; ils la laissèrent aller.
    À chaque marche qu’elle escaladait une voix connue lui martelait le crâne : « Patience, Jeanne, il faut tout prendre en gré... patience... patience... » Cette voix, elle aurait aimé lui imposer silence, mais elle revenait obstinément la harceler.
    Lorsqu’elle émergea sur le terre-plein la pluie lui fouetta le visage, lourde d’odeurs d’eau morte et de forêt. Les premières ombres de la nuit se mêlaient aux nappes de brouillard grisâtre qui matelassaient les fonds.
    Sans prendre un moment de réflexion, sans une dernière prière, sans plus prêter la moindre attention aux voix qui bourdonnaient en elle, elle se hissa dans un créneau, écarta les bras comme pour plonger dans une rivière et sauta.

Devant Compiègne, mai 1430
    L’Université de Paris n’avait guère attendu pour réclamer la Pucelle, mais les Anglais étaient bien décidés à ne pas lâcher prise.
    Plutôt que de parlementer ouvertement avec Jean de Luxembourg ou le duc de Bourgogne, ils confièrent la négociation à l’une de leurs créatures d’Église, monseigneur Pierre Cauchon, évêque de Beauvais. Ce gros prélat d’une soixantaine d’années, fils d’une famille de vignerons champenois, ancien recteur de l’Université, tenait sa mitre du roi défunt, Henri V d’Angleterre. Durant un séjour auprès du cardinal de Winchester il avait appris la langue et les coutumes du pays au point d’oublier ses origines. Winchester avait attisé en lui une ambition : occuper le siège archiépiscopal de Rouen qui demeurait vacant, avant de porter son ambition sur la pourpre cardinalice.
    Ce serviteur zélé de la monarchie anglaise était présent à Calais lorsque le jeune roi Henri VI y avait débarqué avec deux mille hommes destinés à une nouvelle campagne.
    Prélat politique, il avait de bonnes raisons d’en vouloir aux ennemis de son nouveau souverain : ces Armagnacs fidèles au dauphin Charles l’avaient chassé de Paris à la suite des grands massacres cabochiens qu’il appuyait de son autorité. De plus, la

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