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La couronne de feu

La couronne de feu

Titel: La couronne de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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Impossible ! Une sorcière n’a nul besoin du service d’un religieux, surtout pour la sainte nuit que nous allons vivre. Apprête-toi à rester seule avec le pain de la douleur et l’eau d’angoisse !
    Jeanne se dit qu’elle aura affaire avec ce chanoine à son ennemi le plus féroce.
     
    Les églises de la ville chantent Noël de tous leurs carillons. Dans la cour enneigée se glissent des fantômes porteurs de lanternes ou de torches, qui se dirigent vers la chapelle illuminée de Saint-Gilles et celle, plus vaste, qui jouxte les appartements royaux. Des musiques et des chants s’évaporent à travers les flocons de neige.
    Exceptionnellement, sur l’ordre du gouverneur, elle passera cette nuit libre sans entraves. On lui a refusé la présence d’un prêtre mais on a consenti à lui confier un crucifix. Sa couverture sur les épaules, grelottante de froid, elle regarde, elle écoute, elle se laisse baigner par la ferveur qui monte de cet univers de neige et de nuit. Elle se dit qu’un enfant va naître, qu’un enfant est né, quelque part dans une étable de Palestine, rose et tendre comme sa petite soeur Catherine lorsque Zabelle la sortait de sa beneste pour faire sa toilette.
    Dans la salle voisine les gardiens, passé minuit, font bombance. De temps à autre l’un d’eux se détache, jette un regard dans la geôle et, par dérision, lui lance un croûton qu’elle repousse rageusement du pied.
    Cette nuit, Jeanne a décidé de la passer en méditation et en prière. Cela lui est facile : elle a connu au cours de ses campagnes, depuis qu’elle chevauche sur un destrier, tant de nuits sans sommeil, attentive au moindre bruit... Elle s’agenouille, prie, attend. Elle attend un signe : non pas une de ces féeries de lumières et d’étoiles par lesquelles se manifestait jadis la présence de ses frères du Paradis, non pas l’un de ces moments d’extase mystique qui la laissaient éblouie et pantelante, mais une lumière discrète comme celle d’une lampe, un effleurement léger, une voix rassurante. Si elle pleure en serrant le crucifix contre sa poitrine, ce n’est pas sur sa condition misérable, sur sa solitude, sur son désespoir mais sur le silence où s’évanouissent ses prières.
     
    Trois jours après Noël, sir Richard vint de nouveau lui rendre visite. Il était seul.
    – Nous allons, dit-il, te soumettre à une épreuve. Une matrone va venir t’examiner. Nous tenons à savoir si la virginité dont tu te prévaux est bien réelle. Si tu n’as pas menti nous saurons que tu n’es pas une sorcière, puisqu’une sorcière ne peut être vierge, ayant forniqué avec le diable.
    L’ordre de procéder à cet examen ne venait pas du gouverneur mais de l’évêque Pierre Cauchon qui souhaitait asseoir son procès sur des bases solides.
    – En nom Dieu ! s’exclama-t-elle, vous ne m’épargnez rien. Je puis vous affirmer que cet examen vous démontrera que je suis telle que je l’ai dit car j’ai voué ma virginité au Seigneur. À qui donc allez-vous confier le soin de m’examiner ?
    – À une matrone qui opérera sous la surveillance de deux grandes dames : la duchesse de Bedford, soeur du duc Philippe, et l’une de ses dames de compagnie, lady Anna Bavon. Tu les recevras demain. On te fournira de quoi faire ta toilette, car tu en as besoin. Il serait bon que tu revêtes des habits de ton sexe.
    – Je m’y refuse, sir Richard, et vous savez pourquoi. Je garderai cet habit d’homme tant que je ne serai pas hébergée dans une prison gardée par des nonnes.
     
    Elle venait de terminer sa toilette et avait repris son habit de soldat quand l’un des houspilleurs lui annonça la visite des dames et de la matrone.
    La cellule baignait dans une clarté de neige : celle qui montait de la cour et celle qui tombait de la colline. Dans la cour, des enfants jouaient aux boules de neige. Devant la résidence du gouverneur et la chapelle, des groupes d’hommes en armes et de prélats palabraient. Encadré par des gardes porteurs de lances, un charroi de bûches pénétrait dans l’enceinte pour s’acheminer par un chemin tracé dans la neige vers les cuisines basse et haute proches du fossé entourant le donjon. C’était une journée bien tranquille : de sereines plages de silence, un air doux, des bourdons de cloches pour rythmer un temps aux dimensions d’éternité.
    En attendant la visite annoncée, Jeanne répandit sur la bordure de la fenêtre quelques miettes de pain à

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