La couronne de feu
de l’enceinte, entre le donjon et la tour Couronnée, Henri et les siens occupant les vastes appartements adossés au rempart de l’est.
Sir Richard se présente à sa prisonnière dans l’après-midi du 24 décembre. La neige, qui a cessé de tomber dans la matinée, a repris possession de la ville, du château et de la colline. Il est accompagné d’un vieillard, l’évêque de Thérouanne, Louis de Luxembourg, frère du comte Jean, de Jean d’Estivet, substitut de l’évêque Cauchon dans le procès qui se prépare, chanoine de Bayeux et de Beauvais : un personnage malin, au regard louche, aux lèvres minces affligées d’un lupis couleur de sang ; on l’appelle, Dieu sait pourquoi, Benedicite .
Jeanne a obtenu de rester libre d’aller et venir dans sa cellule durant la visite. Elle est de belle taille mais Warwick la domine de la tête. Son visage lourd et vultueux, fleuri entre les sourcils d’une taroupe de poils roux, contraste avec une maigreur d’ascète. Des particules de neige scintillent sur sa cape.
Il s’assied sur l’escabeau que Talbot avance vers lui et, sans dire un mot, s’attarde à contempler la Pucelle avec une mine perplexe, comme s’il s’attendait à ce qu’elle lui sautât au visage. Jeanne se tient devant lui, immobile, bras croisés sur la poitrine, dans la tenue de guerre qu’elle a refusé de quitter.
Warwick soupire, frappe sur ses genoux.
– Jeanne dit-il, tu dois bien comprendre que ce n’est pas de gaîté de coeur que nous avons décidé cette sévère détention. Tes précédentes tentatives d’évasion nous ont rendus méfiants. Nous voulons avoir la certitude absolue que, même avec l’aide du diable, tu ne pourrais nous échapper.
– Si je recevais l’aide dont vous parlez, répond Jeanne, ce ne serait pas celle du diable.
A-t-elle quelque requête à formuler ? Elle souhaite qu’on la laisse libre de ses mouvements et promet de ne pas tenter de s’évader. Il a un mince sourire.
– On ne s’évade pas de cette forteresse. Une centaine d’hommes sont présents pour t’en empêcher et nos portes sont bien gardées.
– Alors, messire, pourquoi ces anneaux et ces chaînes ? comme pour une criminelle ?
La voix aigre d’Estivet glapit :
– Mais tu es une criminelle, Jeanne ! Une diablesse, une sorcière ! Par ta faute des milliers d’hommes sont morts au combat et tu as jeté un sort à tes ennemis !
Jeanne s’apprête à répliquer vertement quand Warwick, d’un geste autoritaire, impose silence au chanoine. Il ajoute :
– Peut-être consentirai-je à te faire libérer de tes liens si tu te montres docile. Que souhaites-tu d’autre ? La nourriture te convient-elle ? Tes gardiens te respectent-ils ?
Elle hausse les épaules : la nourriture est convenable, elle est habituée au régime militaire ; quant à ses gardiens elle souhaiterait qu’ils cessent de la provoquer et de l’humilier.
– Ce que je souhaite avant tout, ajoute-t-elle, c’est la permission de me rendre chaque jour à la chapelle.
Le gouverneur paraît embarrassé. D’Estivet répond à sa place : qu’elle n’y compte pas ! Le seigneur évêque s’y est opposé et rien ne dit qu’il reviendra sur sa décision. Elle aimerait être présentée à Sa Majesté. Warwick se frotte nerveusement les genoux, déclare que c’est impossible, sans donner de raison. Louis de Luxembourg le supplée :
– C’est en effet impossible. Sa Majesté est encore un enfant et un être sensible, influençable...
– Craignez-vous que je ne lui jette un sort ou qu’il tombe sous le charme ?
Le clerc et l’évêque échangent un regard embarrassé ; Warwick se mord les lèvres.
– Nous ne craignons rien de tel, Jeanne. Je suis persuadé quant à moi que ta captivité t’a fait perdre tes pouvoirs. Quoi qu’il en soit, tu ne verras pas Sa Majesté.
Il se lève, rajuste son manteau sur ses épaules.
– Ma fille, dit-il, avant de te quitter je tiens à t’assurer que la Sainte Église te fera un procès exemplaire, en toute justice. Tu seras informée de la date à laquelle il débutera. Ce sera un procès d’Inquisition conduit par l’évêque Pierre Cauchon à qui nous avons laissé tous pouvoirs, mais nous veillerons à ce que, quelle que soit la sentence, tu ne puisses nous échapper !
Jeanne a une autre requête à présenter : elle souhaite l’assistance d’un prêtre ou d’un moine durant la nuit de la Nativité. C’est d’Estivet qui lui répond :
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