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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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se trouvait tout à coup affecté.
    – Et vous ? Où partez-vous ? demanda la reine Blanche à Jean Jouel.
    – Avec Jean de Grailly.
    – Mais encore ?
    – Entre Pacy et Évreux.
    – Tout près de mon château, dit Sacquenville. Nous nous y réunirons tous.
    – Ce sera donc plus près d’Évreux que de Pacy !
    –  Soyez prudents, recommanda la reine de Navarre.
    –  Nous le serons, dit le captal de Buch. Nous savons, Jeanne, que depuis le commencement de mai, Guesclin a reçu des renforts à Rouen, d’où les Français doivent partir en campagne. Nous allons avancer vers Pont-de-l’Arche afin de leur empêcher le passage de la Seine. Et ce que je puis ajouter, c’est que j’ai grand-hâte d’entamer cette bataille. J’en ai supporté les retarde ments avec une impatience qui n’a d’égale que celle que j’eus de hausser à nouveau mes regards vers les vôtres… Or, vous savez de quelle espérance j’oserai m’encourager en me battant pour la victoire… et à quelle récompense j’aspire de tout mon être. Tiens, il m’a semblé ouïr…
    – Quoi ? demanda la reine de Navarre.
    Il y eut un silence. Tristan gémit sous la morsure de la ronce dans laquelle son genou s’était empêtré. Il en avait assez de l’immobilité, assez de ces roucoulements dignes des amours de deux jouvenceaux et non point de deux êtres qui avaient déjà partagé la même couche.
    – Si j’échoue, ma dame, je n’aurai plus le goût, l’espérance de vivre, mais j’aurai au moins le mérite d’avoir essayé de vous plaire.
    – Vous vaincrez et serez moult récompensé. Je serai vôtre pour la vie.
    – Ah ! Ma dame, ce que vous m’avez dit un jour, et qui est la raison de ma conduite, est demeuré gravé dans mon esprit… Nos cœurs seront unis, et nos corps et nos âmes…
    Ce discours enflammé dut déplaire à Jouel et à Sacquenville.
    – En selle, dirent-ils en même temps. Et vous aussi, messires !
    Une rumeur de satisfaction dut étouffer le soupir des deux amants. Ils s’étaient délicieusement bercés de promesses éloquentes sans se soucier qu’on les entendît. Ils s’étreignirent. Jeanne, la tête renversée en arrière, offrit son cou, ses lèvres, ses joues aux baisers du captal. Quand elle se dégagea, une expression de bonheur serein, profond, ineffable, éclairait tous ses traits et donnait à son visage cette souveraineté et cette jeunesse qu’elle avait à jamais perdues. Elle se croyait derechef digne d’un trône, et tant pis s’il ne s’agissait que d’une grande cathèdre dans le tinel peu fréquenté d’un château d’Aquitaine 136  !
    –  Soyez prudent, Jean… Gagnez et nous nous marierons à Bordeaux.
    Un rire. Le captal de Buch se frappa la poitrine :
    – Je porte présentement une brigantine dont les écailles sont impénétrables.
    – Est-ce suffisant contre Guesclin ?
    – Votre inquiétude et votre affection me préservent déjà de moult funestes atteintes, mais n’ayez crainte : je porterai ma fidèle armure.
    Le captal sauta sur un destrier noir qui semblait porter son deuil.
    Tout à coup, Tristan vit dame Jeanne chanceler et s’accrocher à la dextre du captal qui, d’un mouvement du menton, invitait ses compagnons à le précéder.
    Assez, Jeanne, ou je vais fondre en pleurs. Il dégagea sa main avec une sorte de férocité qui révélait son caractère, mais cette femme amoureuse n’y prit garde. Ce fut elle qui fondit en larmes et se détourna pour ne pas assister au départ de son amant. Lorsqu’il se fut éloigné, elle alla s’asseoir sur un rocher qui à l’avant du pont-levis, servait de montoir aux cavaliers, sans souci d’une attitude où la détresse l’emportait sur la résignation.
Non. dit-elle à Blanche et aux autres femmes. Laissez-moi.
    Encore qu’il fût tout près d’elle, Tristan pouvait à peine voir son visage tourné vers le chemin privé de son amant. Il pouvait distinguer, cependant, sur la diaphanéité d’une chair apparemment peu flétrie, la lueur mouillée du regard, et sur le velours vert tendre de la robe, dans l’ébréchure du manteau, la pâleur de deux mains assemblées en prière.
    « Elle a peur !… Elle devine que rien ne sera aisé à cet homme qui ne la mérite pas, quoi qu’elle pense. » Il croyait respirer son odeur. Il était presque émerv eillé qu’elle n’entendît pas les frappements de son cœur, qu’elle ne sentît pas combien la fureur craquait dans

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