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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ses membres immobiles.
    « Le captal, soit : elle en est amourée. Mais l’autre vautour : l’Archiprêtre ! »
    Non, il ne compatirait point à cette détresse de princesse inquiète et affligée. Il y avait entre eux non pas la félonie – puisqu’elle était tout naturellement du parti de Navarre mais quelque chose de pire : l’intérêt qu’elle portait aux infâmes desseins de Cervole, ses vœux pour que la trahison de cet immonde réussît, ses encouragements aux capitaines de Jean de Grailly.
    Bien qu’il la comprît en partie, il ne pouvait que condamner cette complicité tenace et passionnée.
    Il l’entendit soupirer. Elle remua enfin et désunit ses paumes. Dans l’ombre, il ne put maîtriser un mouvement de violence telle qu’une des manches de sa pelisse se décousit.
    – Qui est là ? demanda Jeanne. Elle était trop craintive pour avancer. Elle recula, au contraire, puis marcha lentement sur le pont. Elle était à peine entrée dans l’enceinte que le lourd tablier remontait et s’encastrait dans son logement sans heurt ni grincement.
    Tristan attendit. Longtemps. Jusqu’à ce qu’il eût faim et froid. Alors, sans s’inquiéter d’être vu, il descendit le chemin pris par le captal et ses hommes. Il se mit à siffler sans raison. A moins que ce fut pour se réconforter. La bataille était proche, inévitable. Il se pouvait qu’il y mourût.
    « Non, se dit-il. Non ! Nous gagnerons ! » Et comme il s’interrogeait sur cette certitude et se remémorait les adieux de la princesse Jeanne et de Jean de Grailly, une phrase lui revint en mémoire. Il l’avait lue dans Raoul de Cambrai. Longtemps après qu’elle l’eut étonné, elle avait hanté ses songeries.
    « C’était… c’était… Ah ! J’y suis : Malheur à l’homme qui vient prendre, au moment de combattre, l’avis des femmes. C’est un sot et un couard. »
    Couard, le captal de Buch ne l’était point, mais sot, peut-être. Et s’il péchait par excès de confiance en lui et en sa bien-aimée, sans doute connaîtrait-il le goût amer de la déconfiture.

 
     
     
     
     
     
     
     
TROISIEME PARTIE
     
     
LE CHAMP DE COCHEREL

I
     
     
     
    –  Mardi 14 mai, dit Paindorge après un soupir d’ennui ou de lassitude. Je suis né un 14 mai.
    – Eh bien, quand ce sera fini, dit Matthieu, nous fêterons ton anniversaire.
    Ils étaient armés de toutes pièces : jaseran de mailles renforcé de cubitières, les jambes garnies de genouillères et de trumelières et la barbute en tête. L’écuyer s’était ceint d’une épée de passot, le soudoyer arborait une hache au fer large que seul le manche court différenciait d’une cognée. Son regard s’était assombri, l’idée de bûcheronner des membres ou des cous lui déplaisait. Certes, il ne l’exprimait pas, mais ses fréquents soupirs entre deux crachats exprimant sa malerage valaient un long discours sur la peur qui l’opprimait.
    Tiercelet s’était refusé de participer au combat. Il en attendrait l’issue dans le bosquet de Vernon : les Navarrais n’étaient pas plus ses ennemis que le nouveau roi de France était son ami. Pourquoi eût-il engagé ses forces et sa vie dans une mêlée qui ne le concernait pas ? Il garderait Alcazar, et s’il avait confié Carbonelle à Matthieu, c’était après lui avoir fait jurer le la ramener saine et sauve. « Combattez tous à pied compères. Avant que l’estourmie 137 commence, attachez Malaquin, Tachebrun et la mule à un arbre… Ce sera, croyez-moi, un combat de piétons comme Guesclin les aime. Ne lui sacrifiez pas nos bêtes ! » On l’avait écouté mais, pour le moment, il fallait chevaucher apparemment sans but.
    Ils ignoraient encore où se trouvait Guesclin. Certains le disaient en prière dans toutes les chapelles et jusque devant chaque croix ou mont-joie des chemins. Tristan savait que la petite armée de quelques milliers d’hommes qu’il avait rejointe était partie de Rouen pour Pont-de-l’Arche, et que ceux de Rouen, justement, les avaient convoyés, fêtés et recommandés à Dieu car il y avait aussi, parmi ces guerriers, maints bourgeois et arbalétriers de la cité. C’était à Pont-de-l’Arche, une riche et solide forteresse, qu’il s’était, avec ses deux compères, incorporé à tous ces bataillards. On y faisait des distributions d’armes, surtout de haches bretonnes ; on y referrait les chevaux qui, sans doute, étaient plus de deux mille. Des

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