Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
de n’avoir rien entendu.
    – Bon sang ! maugréa Tristan, tourné vers Paindorge, il lui faut tout. Serais-je marié qu’il guignerait ma femme.
    Guesclin, déjà, revenait à la guerre :
    –  S’ils ne nous surquérissent 148 point ce jourd’hui, ce sera pour demain. Nous attendrons qu’ils s’y décident. Il nous faut souffrir tous 149 pour en venir à bout. S’ils atermoient, nous saurons sur-attendre.
    Paindorge et Matthieu s’en étaient allés. Tristan les rejoignit.
    – J’ai idée, dit l’écuyer, que nous allons dormir céans.
    – L’herbe était drue, épaisse, et la voilà déjà moult aplatie. Mangeons d’abord pour avoir du nerf si ces malfaisants nous assaillent. Ensuite, nous nous occuperons de nos bêtes.
    Ils partagèrent des restes de pain et de fromage et vidèrent une bouteille de vin, présent de Tiercelet. Alors, ils dessellèrent Malaquin, Tachebrun et Carbonelle afin qu’ils allassent brouter, plutôt que l’herbe foulée par les sabots, les tendres feuilles des arbres.
    – On ne dirait point, fit Matthieu, que nous sommes prêts à férir ceux qui, de là-haut, nous attendent avec leurs long bow.
    C’était vrai. Une espèce de bénignité semblait assoupir l’esprit hargneux de tous ces hommes d’armes dont la plupart s’étaient assis ou allongés dans l’attente d’un nouveau commandement. Les Bretons de Guesclin, les plus sales et les plus haineux, souriaient, les yeux levés vers la nue comme pour y rassurer les anges tandis que sur la Butte-Olivet, plus près du ciel, les Anglais déployaient leurs bannières de cendal et dressaient leurs enseignes, leurs écus et leurs lances.
    – Ils se replieront dans le bois… Leurs archers nous perceront comme des cerfs en forêt.
    –  Oui, Matthieu. C’est pourquoi Guesclin a raison d’attendre.
    Ils mènent grand train ! enragea Paindorge. Voyez leurs lances et leurs épieux… Ils doivent savoir qu’ils n’auront de bataille que s’ils descendent jusqu’à nous… Ils savent aussi que ce mont est rude à dévaler et qu’en regardant où ils mettront les pieds, nos archers et nos arbalétriers pourront les percer… Ils s’accorderont à rester deux ou trois jours sur ces hauteurs. C’est comme un gros donjon qu’ils ont sous leurs semelles.
    La nuit vint. En haut, des feux s’allumèrent : le bois ne manquait pas. En bas on rassembla les branches mortes et l’on fît trois foyers, dont un pour les prud’hommes. Thibaut du Pont, un écuyer de Guesclin, s’en vint quérir Tristan qui venait d’ôter son armure :
Messire, on tient conseil et Guesclin vous y mande.
    Le Breton, lui aussi, avait quitté ses fers. Il tournait autour du feu dont les lueurs vaguement soufrées attiraient quantité de cousins, de moucherons et hannetons dont certains périssaient dans les flammes. Des ratepennades 150 venaient dansoter là et certains y voyaient quelque mauvais présage. Tristan, d’un coup d’œil, remarqua l’absence de l’Archiprêtre.
    – Sires, disait Guesclin, oyez mon avis. Ces gens d’en-haut ont certainement deviné que nous n’avons plus de vivres. Ils nous veulent sans doute affamer. Ils ne descendront point et si nous montons, nous serons dolents…
    – Qu’espérez-vous faire ? demanda Baudouin d’Annequin, le maître des arbalétriers. Il est vrai que la faim tourmente certains hommes et que demain, toute l’armée en souffrira.
    Guesclin acquiesça. Il s’était arrêté ; il reprit sa marche, éloignant parfois de son visage un hanneton ou un moustique.
    – Demain, messire, je manderai à ces gens, si vous me l’accordez, de leur livrer la place après le soleil levant.
    Il y eut des grommellements de rage. Guesclin y mit un terme d’un seul geste du bras :
    – Il faut leur touiller 151 l’esprit et c’est le meilleur moyen.
    Il avait raison. Il ne pécherait point, lui, par imprévoyance. Il voulait une bataille dont l’heureuse issue lui reviendrait quel que fût le prix qu’il en devrait acquitter. Ah ! Certes, il serait le premier à frapper, ouvrant la voie à des vassaux d’un jour pour lesquels sa pusillanimité apparente semblait contraire à des préceptes qu’il tenait en mépris. Tristan, attentif, observait les hommes assemblés dans les lueurs des feux au-dessus et à l’entour desquels, maintenant, des papillons enivrés de clarté venaient se brûler les ailes. Il y avait là Thomas l’Alemant, truchement de Charles V, la face bourrue et

Weitere Kostenlose Bücher