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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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dominait une montagnette. Sans abrocher son cheval, il dévalait aussi vélocement que le pouvait sa monture écumante et anhélante. Il la remit au pas à cent toises du pré.
    – Holà ! Beaux seigneurs, cria-t-il, tenez vos compagnies en ordre car voici les Anglais à bannières levées. Vous les verrez bientôt !
    Ignorant l’Archiprêtre dont le dépit n’avait cessé de croître, Bertrand tourna sur lui-même cependant que ses talons et ses éperons tonsuraient les herbes à son emplacement.
    – Beaux seigneurs, oyez donc ce que nous dit mon homme ! Ils sont là !
    Quintric et Couzic apparurent. Le second devança son compère.
    – J’ai meurtri, cria-t-il, un coureur navarrais…
    – Cent vingt autres d’Évreux sont venus grossir leurs troupes !
    Thomas l’Alemant, l’huissier d’armes de Charles V que Tristan voyait enfin sortir des rangs où il s’était mussé, s’approcha :
    – Que va faire le captal selon vous ?
    Guesclin tendit son index ferré vers la montagnette :
    – Ses hommes et lui vont occuper le faîte de cette grosse motte pour nous dominer juste du regard… Elle est rude, escarpée. De là-haut, on doit dominer le village de Cocherel, à la dextre de l’Eure, près du pont qui relie les chemins d’Évreux et de Vernon. De là-haut, Grailly pourrait défendre ces deux cités et leurs châtelets, et même Pacy, qui est plus loin. Il peut même, par l’autre versant, recevoir des secours.
Eh bien, que faisons-nous ? demanda l’Archiprêtre.
    Son inquiétude semblait devenir de l’angoisse. Comme le soleil « tapait » très fort, il enleva son bassinet. Tristan vit que sous ses cheveux précocement dégarnis, son visage avait la pâleur d’un cierge. Sous sa grosse moustache, il mordillait ses lèvres.
    – Holà ! Holà, Cervole. J’aime tout comme toi galoper vers l’ennemi quand il ne m’attend pas. Or, ce jour d’hui, il y a de la réception dans l’air. Partirions-nous maintenant devers eux, à pied ou à cheval, que nous serions tout hérissonnés de sagettes avant d’avoir atteint le quart de la montée…
    – Alors, Bertrand ? dit le comte d’Auxerre. Alors, messire, j’avance doucettement. Je m’arrête et j’attends. La patience n’est point ma vertu cardinale mais je m’en sens soudainement pourvu au point de jeter un acompte au captal.
    Il lâcha un pet bruyant qui ne fit rire que lui-même et décida l’Archiprêtre à s’éloigner. Il n’alla pas bien loin et revint vers Auxerre :
    – Combien sommes-nous, messire ? Douze cents hommes d’armes, trois à quatre mille piétons, deux mille chevaux sans doute. Nous ferons une montre quand le moment sera venu.
    « Encore ! songea Tristan. Il faudrait entamer la guerre et délaisser les montres ! »
    –  Dis donc. Cervole, fit Guesclin avec une familiarité perfide, pourquoi veux-tu savoir combien nous sommes ? Est-ce pour l’aller dire au captal ?
    L’Archiprêtre fut sur le point de protester. Il se ravisa. Tristan se demanda quelles ténébreuses pensées venaient d’envahir sa tête. Le bel Arnaud qui avait conquis sans mal Mathilde de Montaigny avait l’aspect d’un homme insolvable qui vient de retrouver ses créanciers. Auxerre semblait avoir compris, lui aussi, ses desseins. Il interrogea Guesclin du regard pour obtenir, sans doute, la confirmation de ses soupçons. Le Breton croisa les bras sans qu’on eût entendu jouer les fers de ses cubitières tellement il les avait graissées.
    –  Je fais confiance à mes coureurs. Ils voient juste et parlent vrai, à l’inverse de ceux de Poitiers et Brignais… Or donc, j’attends… J’attendrai le temps qu’il faudra… Nous n’avons pas mangé ? Nous mangerons de l’herbe. Nous ne sommes plus, Cervole, à Poitiers et Brignais, et même si je n’y étais point – ce dont j’ai regret –, j’en ai retenu la suprême leçon.
    Tristan se délectait : l’Archiprêtre, en ces deux terribles occasions, avait prié les maréchaux de l’envoyer en avant afin de les informer sur le convenant 144 et les apprêts des ennemis. Or, il avait trahi, c’était un fait avéré. Guesclin en était persuadé : il avait le flair d’un baud 145 .
    – Attendons, dit-il.
    Et derechef, il harangua les hommes :
    – Beaux seigneurs et vous, les piétons, ne montrez point d’effroi. Nous aurons, s’il plaît à Dieu, une bonne journée. On verra, mes-huy 146 les bons avoir renommée. On tiendra bien l’épée

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