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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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n’avons point cœurs de veaux. Nous te le prouverons sur le pré !
    On cheminera encore et Chambray apparut. L’Eure courait toute proche et miroitait comme une cuirasse. Les Français renoncèrent à passer la rivière et descendirent parmi les prés fleuris pour se rafraîchir et se reposer car la chaleur devenait lourde, lassante. Alors que l’on vidait le reste des bouteilles, chopines et calebasses, les dix coureurs dépêchés en avant revinrent ensemble.
A toi, Couzic.
    –  Rien… Je n’ai où j’ai erré, trouvé homme qui soit en vie.
Cloarec ?
Par ma foi, Bertrand, je n’ai rien vu.
    Cessant d’observer le coureur à face apoplectique sous une cervelière terne et bosselée, Tristan épia Guesclin. La déception du grand hutin eût pu dégénérer en fureur. Il rit, au contraire, sans la moindre intention de se moquer d’un homme inquiet et dépité tout autant que lui.
    – Cloarec ! Cloarec !… Il aurait fallu que tu coures plus loin que tu ne l’as fait pour t’aviser du captal ! Tu sais mieux découvrir une huche pleine ou un coffre bien clos pour y rober les joyaux qu’ils contiennent que de trouver quelques milliers de Goddons !
    Et tourné tout à coup vers les autres coureurs dont certains étaient demeurés en selle :
    – Il me suffit de voir vos goules pour deviner votre échec… Eh bien, mes gars, il vous faut retourner… Je ne partirai pas sans avoir ouï de bonnes nouvelles, car j’en suis certain : nous sommes sur la voie de la partie adverse !
    Il se mit à marcher parmi ses guerriers, les rassurant sur l’imminence de la bataille et les invitant à ne point lâcher leurs armes. Il claudiquait un peu sous le poids de ses fers, et l’on eût dit qu’il avançait dans les sillons de sa terre. Ce n’était ni du roi ni du royaume qu’il se réclamait présentement ; c’était de la haine sinon de la bestialité. Il promettait au captal et à ses gens les pires tourments, et à cette idée-là, il s’enivrait lui-même. Dans l’attente d’accomplir les mêmes gestes meurtriers, les mêmes fonctions destructrices, de pratiquer la même célébration sanglante qu’à Mantes, Meulan et ailleurs, son cœur devait cogner au rythme d’un galop.
    Il allait revenir vers les prud’hommes quand l’Archiprêtre s’avança :
    – Que faisons-nous ?
    – Rien. On attend… Or, compère, dis-moi : tu parais inquiet !
    – Tu confonds l’inquiétude et l’impatience. Ce grand soleil me semble aveugler tes coureurs… J’ai envie de partir en avant, moi aussi.
    Tristan sourit en entendant cela. Décidément, ce trigaud ne changeait jamais rien à ses façons de faire. Une fois en avant, il irait droit au captal et le renseignerait sur tout.
    – Mieux vaut que tu demeures, dit doucement Bertrand. Ne va pas risquer ta vie ou ta… réputation dans une course pareille.
    Le ton restait courtois mais l’Archiprêtre eût été bien sot s’il n’y avait pas décelé la menace que Tristan, lui, avait sentie.
    Il y a Bertrand, un val tout près. Je puis y conduire mes gens. Si je vois les Anglais, je t’envoie un coureur.
    Cette proposition tomba dans l’oreille d’un sourd. Guesclin regarda les grands seigneurs qui venaient à pied vers lui dans un miroitement de fers, d’aciers, un déploiement de couleurs franches.
    Ils sont tout comme toi, Cervole : ils attendent. Tout autant que nos piétons, ils n’ont même pas envie d’aller enconner les deux cents ribaudes qui nous suivent à un quart de lieue et qui, par ma foi, ne sont point laides, mais bien replètes et nues – je les ai vues – par cette chaleur de tous les diables.
    Tu peux rire en cette occurrence ?
    – Pourquoi non ? Et si je pouvais aller m’accoler à une ou deux de ces dames, j’y prendrais du bon temps… Elles doivent se languir de ne contenter personne… Mais revenons sur terre : nous sommes deux ou trois mille. Je déteste compter avant une bataille. Comme ça, je ne crains rien… Je veux donner au nouveau roi qui m’aime bien et qui chevauche vers Reims, un présage de bonheur pour ses années à venir… Est-ce ton avis. Castelreng ? Dis-moi : tu n’as cessé de tendre l’oreille… Crois-tu que l’Archiprêtre allait nous planter là ?
    Une fureur inattendue s’empara de Cervole. Il allait saisir Bertrand par son colletin quand un cri retentit :
    – Voilà Cloarec !
    Le coureur que le Breton avait admonesté venait de surgir en haut d’une colline que

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