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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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sont loin : mon roi sans doute à Reims, le vôtre à Pampelune, car jamais il ne s’est présenté à la tête d’une armée.
    –  Il est vrai, mais la bannière de Navarre m’accompagne.
    De l’index, le captal eut plaisir à la désigner : Écartelé aux premier et quatrième de gueules à la chaîne d’or posée en triple orle en croix et en sautoir ; aux deuxième et troisième d’azur semé de fleurs de lis d’or à la cotice componée d’argent et de gueules de huit pièces brochant sur le tout.
    –  Vous voyez, chevalier, la mienne est toute proche.
    Tristan lut pour lui-même : «  D’or à la croix de sable chargée de cinq coquilles d’argent. » Il tendit l’index :
    – Et celle-ci ?
    – La bannière d’Angleterre.
    – Messire ! Messire !… Me prendriez-vous pour un sot ? Je vous ai montré l’autre : D’hermines à l’aigle de gueules armée et becquée d’azur… Ne serait-ce pas celle de Pierre de Sacquenville ?
Si fait.
    – Alors, prévenez-le que s’il tombe en notre pouvoir, il sera un homme mort.
    Un rire. Il s’y était attendu. Le captal était certain de vaincre Guesclin. Quelle présomption chez cet homme ! Dame Jeanne porterait son deuil !
    Thierry ne réapparaissait pas : sans doute éprouvait-il une grosse vergogne d’avoir été découvert. Il ne pouvait exister, parmi les chevaliers et les soudoyers du captal, un homme qui lui ressemblât autant.
    Malaquin se penchait vers l’herbe tendre dont par fois il arrachait quelques brins. Tristan essayait d’embrasser d’un regard apparemment distrait le convenant 156 de ces ennemis dont l’accueil des plus courtois le changeait des familiarités grossières de Guesclin et de ses Bretons. Car à n’en pas douter, c’était Jean Jouel et Sacquenville qui, souriants, s’approchaient et le saluaient en s’inclinant autant que le leur permettait leur armure. La gaieté leur faisait des visages aimables et bien avisés eussent été ceux qui auraient distingué, chez ces guerriers, des intentions combatives. Dans un moment tel que celui-ci, Tristan éprouva un regret si violent de devoir les affronter qu’il leur rendit leur sourire jusqu’à ce qu’il se représentât Sacquenville haranguant ses hommes et les lançant sur lui, Castelreng, et le perçant de son épée, puis Jouel acclamé et porté en triomphe, et le captal de Buch galopant vers Vernon pour s’y adonner à l’amour.
    Il n’osa demander qui était Sacquenville et qui était Jouel, bien qu’un des deux capitaines ressemblât un peu à cet Yvain que Boucicaut semblait avoir pris sous sa protection – sans doute parce qu’il le sentait menacé.
    – Messire, dit le captal, j’ai parcouru des centaines de lieues. Vous direz à Guesclin et aux autres nobles hommes qui l’entourent, que Cocherel est pour moi un aboutissement qui sera victorieux.
    – Je le lui rapporterai.
    – Vous lui direz aussi, messire, que comme Sacquenville n’a plus rien d’autre à perdre que sa tête, il vaudra au combat dix Bretons sinon vingt !
    Cette face pâle, aux yeux noirs, en amande, c’était donc Sacquenville. Il avait peur, et cette peur, effectivement, décuplerait son courage et ses forces.
    – Vous lui rapporterez, messire, que Jouel – c’est moi – s’apprête à l’occire. C’est un truand. Ce qu’il a commis à Mantes…
    – Messire, trancha Tristan, vous lui direz vous-même vos griefs… si toutefois vous êtes vainqueur… Descendez si vous acceptez la bataille !… Ce dont je suis marri, c’est de ne pas voir parmi vous celui que certains hommes appellent le Mauvais… Moi, je pense surtout que la guerre est mauvaise (414) . Peut-être, ce soir ou demain, nous retrouverons-nous dans le bleu Paradis…
    A quoi bon prolonger cet entretien stérile. Tristan salua et fit demi-tour, suivi, il le sentait, par d’autres regards que ceux des trois chevaliers qu’il imagina hilares. Un ou deux autres regards qui, eux, n’étaient en rien moqueurs.
    « C’était bien Thierry Champartel… Pourquoi ?… Pourquoi ? »
    *
    –  Je me doutais qu’il agirait comme il l’a fait. Quand il sera vaincu, il ne pourra se plaindre qu’à lui-même… Quel dommage, cependant, qu’il ait refusé cette joute !
    Tous les nobles étaient présents dans un angle du grand champ dont les hautes roncières les soustrayaient aux regards ennemis : Auxerre, Beaumont, Beaujeu, le soudich de l’Estrade, Jean de Vienne,

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