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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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jouissait du privilège des conquérants dignes de ce nom et se sentait capable d’approvisionner de sa propre énergie tous ces hommes dont certains, sans l’avouer, doutaient de ses mérites. Son visage s’était altéré. Ses froncements de sourcils dénonçaient des humeurs, ses pincements de lèvres des sérénités, et ses mains nues, brunes et poilues ne se laveraient jamais dans la cuvette de Ponce Pilate : il prendrait des déci sions dont il subirait les conséquences. Il tendit l’index vers Bertrand Goyon :
    –  Toi, compère, tu porteras ma bannière.
    Et aux autres :
    – C’est le fils du seigneur de Matignon.
    – Pourquoi lui ? demanda Olivier de Mauny.
    – Parce que, beau cousin, je te préfère une hache à la main.
    Tristan ne connaissait pas ce chevalier de Matignon auquel le Breton venait de faire référence, ni d’ailleurs maints barons présents à ce conseil. Le sire de Beaujeu désigna un jeune homme :
    – Ma bannière sera portée par Pierre de Louesmes, que voilà.
    C’étaient là de petits soucis. Perducas d’Albret, tout nouveau qu’il fut dans un ost français, se permit une remarque :
    – Il ne faut point trop tarder à les assaillir. Ils doivent renforcer leurs défenses… En plus, je l’avoue : j’ai grand-faim. Mes hommes ont faim…
    Guesclin remua une main menaçante :
    – Pensez-vous, messire, que mes Bretons sont repus ?… Or, qu’est-ce que la faim ?… Rien quand on veut que ce ne soit rien ! Je me suis passé de pain et de fromage pendant des jours et des jours. Je ne m’en porte pas plus mal… Le jeûne nous purifie !… Et je suis plus soucieux du fourrage de nos chevaux que de notre mangeaille. Nous festinerons après la victoire. Pas avant !
    Oudart de Renty parut contrit d’émettre une question au moment même où il semblait que tout eût été dit :
    – Comment allez-vous disposer nos batailles ?
    – Ah ! Messire, dit Bertrand, je ne recommencerai point les funestes erreurs auxquelles nous songeons tous… Tiens ! où est donc passé l’Archiprêtre ?
    –  Il est revenu auprès de ses gens, dit Bertrand Goyon.
    – Lesquels ? demanda malicieusement Tristan en jetant un regard sur la montagne de Cocherel.
    Seul Bertrand Guesclin comprit cette allusion. Il rit, croisa les bras et se mit à marcher. Il suait abondamment. Il n’était pas le seul. Ce mois de mai semblait arraché à l’été.
    – Trois batailles, messires, comme la plupart du temps. Trois batailles accolées, non en profondeur, mais en ligne… Nous les prendrons en tenailles s’ils commettent la faute de s’élancer les uns après les autres sur notre centre, et nous les férirons à mort aisément.
Certes, dit Auxerre. Donnez-nous-en les dispositions.
    Guesclin s’inclina sans la moindre cérémonie. La promptitude de sa réponse prouva qu’il avait depuis longtemps pourpensé tout ce qui, à Cocherel concernait l’attaque et la défense.
    La première bataille sera mienne. Mes Bretons et moi. La seconde ? Messires Auxerre, Beaumont, Baudouin d’Annequin, les Français, Normands et Picards : Oudart de Renty, Enguerrand de Hesdin, Louis de Haveskerques et leurs compains. La troisième devait avoir l’Archiprêtre et ses Bourguignons. J’y veux voir Hugues de Châlon, messire de Beaujeu, Jean de Vienne et ses bons archers, le Bâtard de Mareuil, Guy de Trelay…
    – Et les autres ? s’enquit Tristan alors que le Breton soufflait.
    Les Gascons se maintiendront derrière nous : Pommiers, le soudich de l’Estrade, Perducas d’Albret. Petiton de Courton… Comme je vous l’ai dit : nous ne bougerons point car ce serait marmouserie de les assaillir. Nous avons faim ? Je veux savoir ce que ces gens ont dans le ventre !
    –  Et moi et mes deux hommes ? Où devons-nous aller ?
    – Nous avons déjà féri ces démons ensemble au Pas-du-Breuil, Castelreng. Or, donc, par ma foi, vous trois serez embretonnés.
    On se sépara. Chacun revint dans son coin. Tristan retrouva Paindorge et Matthieu quasiment nus, à l’ombre, tant la chaleur devenait insoutenable. L’eau de la rivière était claire, mais certains, en s’y trempant, l’avaient troublée, rendue pour un temps imbuvable. Il fallut interdire l’accès de la berge aux hommes et aux chevaux. Et l’on attendit.
    – Cette maudite fournaise, dit Paindorge, commence à me donner regret de Rolleboise. On y suçait du vin, à défaut d’en boire ; on cassait la viande

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