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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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… le roi Jean !
    Tristan voyait du bonheur sur les faces blafardes des ascètes de Dieu et celles, rougeaudes, des bourgeois et des prud’hommes. Les femmes étaient belles avec un air d’effronterie, de malice, d’orgueil. Il ne retrouvait pas, chez ces gens-là les ca ractères de la Langue d’Oc et surtout la jubilation franche, accueillante, des manants et des nobles de Mirepoix, Albi, Carcassonne, Limoux. Visages clairs des enfants. Visages de bronze de leurs pères. Visages anguleux de quelques Juifs aux cheveux en vrilles. Visages abrupts des soudoyers et des capitaines de la cité qui marchaient maintenant aux flancs du cortège et dont la heuse éperonnée soulevait les grands paletocs aux pansmaculés de boue. Parfois, un cheval hennissait, un chien aboyait et jappait à la suite d’un coup. Toujours des maisons de plus en plus propres. Toujours des cris. Et soudain…
    – Messire ! s’étonna Paindorge. Eh bien, quoi ?… Qu’avez-vous vu ?
    –  J’ai cru voir Tiercelet.
    – En êtes-vous sûr ?
    – Je t’ai dit «  j’ai cru  »… Il était là-bas, au fond de cette allée.
    – Vous a-t-il vu ?
    – Je ne sais. Il doit me croire à Montaigny.
    – Avancez.
    Il fallait obtempérer. « Si c’était Tiercelet, je le retrouverai. » Mais était-ce le brèche-dent ? Si c’était lui, Oriabel vivait-elle en Avignon ? Depuis quand ?
    La rue se dégagea encore. Quelque part, une cloche sonna. Puis d’autres. De grands envols de pigeons et de corneilles assombrirent le ciel, les maisons et la rue. La violence des battements d’ailes domina en force et en vacarme l’alliance des carillons et des campanes esseulées. L’air vibra. Des chevaux ruèrent. Le roi lui-même, aussi piètre cavalier que son grand-père, son père, son fils Charles et son grand-oncle 43 faillit vider les étriers. Toute proche de Tristan, une femme s’exclama : « Qu’il est laid ! » Une autre lui confia : « Il semble malade… Macarel  ! Faut du courage pour coucher avec lui ! » Une autre affirma qu’avec un tel houmi, on n’avait pas grand-chose à craindre, surtout la Jeanne de Naples, s’il était venu pour l’épouser. Déjà, Tristan s’éloignait, soucieux.
    « Et si c’était Tiercelet ? »
    Ici, des boutiques scintillaient sous les feux des luminaires. On ne savait trop, passant devant, ce qu’elles contenaient, mais c’étaient assurément des merveilles. On disait que la cité papale condensait en miniature tout ce qu’on pouvait contempler en Italie. Et pour cause. En chemin, Boucicaut avait raconté que les marchands toscans venaient fréquemment de Pise en Avignon soit par la mer, soit par le Rhône et que certains d’entre eux s’étaient même installés dans la ville. Il avait cité un certain Francesco di Marco Datini. On voyait dans ses boutiques tout ce qui titillait les mains et l’esprit des hommes d’armes : des crucifix d’or, des mitres criblées de joyaux, des ciboires et chandeliers merveilleux, des vaisselles magnifiques ainsi que des soies et brocarts de Lucques, des volets de Pérouge et d’Arezzo, des triptyques, des enluminures et des argenteries de Florence. Datini achetait et vendait maintes armes de Milan, des épées, dagues, carquois, éperons et lormeries de Florence, Bologne, Viterbe. Il envoyait aussi ses aides à Lyon pour y acquérir des heaumes de joute, des bassinets et bicoquets qu’il revendait en Italie car leur solidité était incomparable. Il entretenait chez lui quelques fourbisseurs et s’était assuré les services d’un Flamand réputé, Hennequin de Bruges qui maillait des haubergeons et des hauberts. Tout ce qui pouvait convenir à des chevaliers fortunés s’entassait à son domicile où l’on trouvait jusqu’à des clous d’or pour ferrer les palefrois (242) .
    « Et si c’était Tiercelet ? »
    Il fallut tourner à un carrefour. Alcazar faillit heurter un cheval tourdille (243) de forte taille monté par un homme de trente ans, brun, souriant, et qui ne portait point d’armure.
    – Messire, n’est-ce pas Alcazar que vous montez ?
    Tristan, ébahi, avala sa salive et eut du mal à reprendre son souffle.
    – Si, messire, en vérité. Il m’appartient.
    – Vous l’avez obtenu de Foulques d’Archiac ?
    – Malaisément, messire.
    Qui était cet homme aux joues gonflées d’une barbe de quatre jours.
    – Est-il parmi vous ?
    – Je ne l’ai point vu. Pensez-vous qu’il soit en

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