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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Tristan. Un homme dans le visage duquel on eût cherché en vain quelque sensibilité affectée, voire un soupçon de miséricorde et dont le regard froid, dépourvu d’étincelle divine, dévisageait le perdant de Poitiers, l’amant du connétable Charles d’Espagne, le bourreau du connétable de Guînes dont le seul crime avait été d’accorder à la reine de France non point l’amour mais l’intérêt qu’elle méritait. Les paroles qu’il proférait maintenant sur la destinée humaine et l’exemple des rois, n’importe qui les eût pu prononcer. Il les disait cependant d’une voix de plus en plus vibrante – comme celle d’un jeteur d’anathèmes ; et devant le plus lumineux des édifices d’un palais dont l’intérieur restait un mystère, ce n’était pas la royauté terrestre et la royauté céleste qui se trou vaient confrontées, mais deux humanités différentes, inconciliables et même antagonistes. Et pourtant, il allait falloir composer. La Papauté richissime se devait d’octroyer quelques rognures de son immense trésor à un roi prodigue. Parce que c’était ainsi, tout bonnement. Parce que la France étant fille aînée de l’Église, les rois étaient ses fils – à tout le moins ses bâtards.
    –  Cela traîne, dit Paindorge.
    Comme lui, la foule s’impatientait. Dans son immobilité contrainte et contristée, mais qui se relâchait, ses murmures n’exprimaient plus rien d’autre que l’envie de voir s’achever une cérémonie sur laquelle elle s’était méprise. Certes, elle avait vu le nouveau Pape longtemps ; mais il n’y avait pas eu de grand apparat dans sa rencontre avec le roi de France, et les paroles qui avaient retenti aux quatre coins de la place n’étaient point de celles qui pouvaient émouvoir le cœur et exalter la foi.
    – Je ne me sens pas en Langue d’Oc, dit Tristan, mais ailleurs, peut-être en Arabie…
    La diversité de cette population avignonnaise éclatait dans celle des visages un peu trop bruns, dans le bariolage et la cherté des vêtements. La manne céleste versait sur la cité papale aussi bien le nécessaire que le superflu. Les femmes blondes étaient rares ; en revanche il y avait quelques visages noirs avec des perles sur les narines et des boucles suspendues aux oreilles.
    – Les rois mages, messire, dit Paindorge en riant.
    – Quittons notre selle et partons le long de ce mur, là-bas. Nous sommes trop petits pour qu’on nous invite à entrer là-dedans.
    Tristan s’apprêtait à quitter l’étrier quand il vit presque simultanément Jeanne marcher vers le roi et le Saint-Père, et Tiercelet, qui te reconnaissait et partait en courant.
    « Il n’a pas pris le temps de m’adresser un signe ! Il a hâte – et je le comprends – de prévenir Oriabel de ma venue ! »
    Une fanfare lourde et lente ébranla l’assistance et fit courir sur toute la prélature confite dans ses ornements somptueux, un frémissement qui agita les crosses comme l’eût fait un grand coup de vent. Il y eut, au-dessus des têtes, des lueurs d’armes d’hast et le roi et le Pape marchèrent vers le palais, lentement, suivis de quelques chevaliers à pied, leur monture tenue aux rênes.
    –  Elle était là, messire, dit Paindorge. J’ai même cru qu’elle allait saluer le roi !
    Ils parvinrent à s’extraire de la foule. Aucun d’eux n’eut envie de se remettre en selle, moins parce que le fer dont ils étaient couverts les engonçait que parce que marcher favorisait leur curiosité pour les gens et les choses.
    – Nous devrions, messire, revenir à Villeneuve.
    – C’est ce que je me dis.
    –  Les maisons y sont peu nombreuses mais belles. Et puis, vous avez mauvaise mine. On dirait que vous avez eu affaire à la mesnie d’Hellequin (244)  ! En vérité, faudrait que nous retournions à Gratot en passant par Castelreng.
    – Nous irons. J’ai vu Tiercelet et il m’a reconnu.
    – Il ne vous a pas approché ?
    – Non.
    –  C’est mauvais signe… Il aurait dû courir vous rejoindre. S’il s’est enfui, c’est qu’il est mécontent de votre présence.
    – Penses-tu qu’Oriabel est morte ?
    Paindorge n’osa répondre affirmativement. Des gens, maintenant, refluaient de la place. La cérémonie devait être achevée. Tristan fut dépassé et salué courtoisement par des hommes et des femmes tandis qu’il suscitait la curiosité des kyrielles de jouvencelles qui s’éloignaient en dansotant, bras

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