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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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d’Alcazar et se demanda ce que Fouquant d’Archiac eût fait à sa place. Quant à Malaquin, tout proche, lui et l’écuyer s’accordaient : patient et sage, le cheval noir dansait sur place, doucement.
    On repartit. La rue s’élargit. Paindorge ne cessait de regarder de part et d’autre, étonné de la richesse des vêtements parmi lesquels, parfois, quelques haillons insinuaient des ténèbres fâcheuses. Des plus hautes fenêtres jusqu’aux seuils, devant les échoppes ou debout sur un montoir, des femmes souriaient, gesticulaient. Les plus jolies, qui souvent se montraient les plus hardies, clignaient de l’œil sans que le pâle soleil en fût cause – ce qui valut aux chevaliers le spectacle inattendu d’une querelle de ménage : un homme surgit d’un couloir et admonesta sa conjointe tout en la ceignant de ses bras. Tandis qu’il l’empor tait au plus profond des murs, on l’entendit hurler plus fort que la rebelle. Sans doute l’avait-elle griffé ou mordu.
    Des sergents, maintenant, frayaient la voie au roi. Les uns donnaient de l’épaule, les autres menaçaient de l’épée.
    – Merdaille, dit Boucicaut alors qu’on arrivait sur une place. On dirait qu’il y a marché. Un marché dans un grand bordeau plein de mécréants (240)  !
    – On se croirait, dit Artois, chez les Mores ou chez les Turcs.
    L’œil dur, le dégoût à la bouche sous la visière déclose du bassinet, il tendait un doigt accusateur vers un entassement de tentes bariolées à l’écart desquelles, dans un parcage composé de planches et de cordes, on voyait rassemblés et divisés par espèces, des chevaux, des bœufs et des moutons. Son ébahissement eût été aussi fort, sans doute, si Turc ou Mahom, il s’était égaré lors d’un voyage et, croyant découvrir La Mecque, serait entré de bonne foi dans le Saint des Saints des infidèles.
    – Allons, Jean, dit Maignelet, tête nue. Ne faites point cette figure qui vous messied. Ce marché plein de vie nous offre ses couleurs, ses odeurs et son gai remuement… Il est en Avignon le centre de la vie profane comme le Saint-Siège est le centre de la vie sacrée. Il faut de tout pour faire un monde !
    Tristan considérait les grands hangars de toile entre lesquels couraient des travées assez larges pour y engager deux chevaux, et les étroites ruelles encombrées de chalands indifférents à la présence royale. Empressés ou cupides, certains marchands haranguaient les passants et en attrapaient quelques-uns par la manche ; d’autres les laissaient approcher, l’œil bas mais brillant comme s’ils leur avaient tendu un piège infaillible.
    –  Fallait sonner de la trompette, dit Paindorge. Certains ne savent pas que nous sommes présents !
    Les genoux de Tristan frôlaient des boutiques où l’on vendait des choux et des châtaignes, des poireaux et des raves. Ici et là, des quartiers de viande pendaient. Dans sa locule enfumée, un drouineur 42 martelait un vase de cuivre. A côté, un sellier et un tisserand avaient abandonné leur ouvrage. Debout sur un banc branlant, ils acclamaient le roi qui saluait de la main. Un comptoir de menuisier apparut puis un étal de potier dont les cruches et les pichets vernissés, jaunes, rouges, tremblèrent quand maladroitement ou non le sire de Tancarville heurta une corde de son étrier.
    – Place ! Place ! hurla-t-il. Avait-on besoin de nous faire traverser ces échoppes.
    Le présentoir d’un orfèvre étincelait. On s’arrêta. Le roi se pencha. Il eût pu tendre la main et saisir un objet de valeur. S’y refusant, il demanda au marchand s’il était riche et ajouta :
    – Contribues-tu au paiement de ma rançon ?
    – Oui, sire… Grossement.
    – Pas assez puisque j’appartiens toujours aux Anglais.
    Puis, tourné vers Artois et Boucicaut, mais hautement à l’intention de tous :
    –  J’ai peine à croire que les routiers sont venus jusqu’ici. Ne serait-ce point une grosse jangle (241)  ?
    Des légumes, encore, puis un amas de tissus chatoyants. Et des échoppes où grésillaient des fritures.
    – Ils mangent à leur faim, dit Jean II avec une sorte de rancune, comme s’il avait jeûné maintes fois dans sa vie.
    Dans les haies des gens massés sur son passage, il pouvait voir les manteaux, les pourpoints, les houppelandes de prix et çà et là quelques bures humbles et sobres. Les chevaux avançaient toujours très lentement.
    – Vive le roi !
    – … le roi !
    –

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