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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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la parcourut, connut sa senteur et son goût dans l’odeur légèrement musquée qu ’exhalaient les hermines. Revint vers cette bouche assoiffée de plaisir plus encore que de lui-même. Ils s’emmêlèrent dans ce qui pouvait être une lutte où, comme des bêtes furieuses, leurs désirs s’exaltaient sans jamais se confondre. Et quand elle eut poussé une plainte assourdie, elle rit tandis que sa main cherchait dans ce corps d’homme une seconde lance pour une joute dont encore une fois elle serait l’appelante.
    Il la satisfit encore. Par nécessité : pendant longtemps, sans doute, il serait exorcisé de ces « choses ». Sa gorge le brûlait. Déception : n’aurait-il dans sa vie affaire qu’à des putes ? La Darnichot… Mathilde de Montigny… Constance… Oriabel restait sa bien-aimée.
    – Toi, dit Jeanne, repue, tu me plais… Sais-tu que tu m’as dominée, ce que je déteste… Mais je ne t’en veux pas. Une reine parfois peut avoir des faiblesses.
    Il n’osa lui demander : « Reine de quoi ? » Chacune de ses paroles demeurait et demeurerait une énigme. Elle soupira encore et encore. De quels secrets desseins son esprit s’emplissait ?
    – Je t’ai voulu, je t’ai eu… Il se peut, chevalier, que je te veuille encore. Accepteras-tu ?
    Allons, il n’était pas condamné. Gracié, il eut au-dessus de lui un corps bouillant, moite, aux frémissements sauvages. Il se sentit pris aux épaules, secoué, mordillé puis mordu jusqu’au sang à l’oreille senestre.
    – Holà ! fit-il, vous mériteriez…
    Elle rit : trois perles claires, puis grondante :
    – Frappe-moi… Fesse-moi ! A cet endroit, nul ne verra les marques.
    C’était inattendu, révoltant. Il sut qu’elle ne se moquait point, qu’elle ne voulait point l’éprouver.
    – Non, dit-il.
    Elle eut comme un sanglot furtif avant de recouvrer cette voix de commandement qu’il avait en détestation :
    – Je l’exige… Obéis !… J’ai besoin quelquefois que l’on me fasse mal.
    Il ne voyait que ses yeux. Étaient-ce des larmes qui en roulaient ?
    – Fais-moi ce dernier plaisir… Tiens, je m’allonge sur le ventre… Frappe-moi… Sache-le : devant moi les gens se courbent et même certains s’agenouillent !… Eh bien, si tu consens, oui, oui, si tu consens, je m’agenouillerai devant toi.

V
     
     
     
    Paindorge poussa violemment la porte de la chambre :
    – Messire, le jour se lève !… Je ne veux pas savoir ce que vous avez fait cette nuit. Vous êtes revenu si tard que j’ai craint pour votre vie.
    Tristan bâilla, s’étira, sortit une jambe des draps et frissonna.
    – Merdaille, il fait grand-froid !
    – Non point !… Debout, messire !… Les délits (237) sont passés, nous allons voir le Pape… L’auriez-vous oublié ?… Après votre disparition, hier soir, Galehaut, l’écuyer de Boucicaut, est venu m’annoncer : «  En armure de fer. » La vôtre est prête. Il me chaut que mon harnois le soit… Je vais vous rère (238) . Ensuite, je m’occuperai d’Alcazar et de Malaquin… si vous permettez que je le préfère à Tachebrun.
    – Accordé !… Occupe-toi aussi des housseries et lormeries.
    – C’est fait. Votre Floberge est fourbie, elle aussi.
    L’écuyer allait refermer la porte. Il la rouvrit et seul son visage apparut dans l’entrebâillement du vantail et du cantalabre :
    –  Si vous l’avez chevauchée, elle vous a mis dans un bel état ! Souvenez-vous de ce qu’en a dit Boucicaut : défiez-vous-en !
    – Le conseil était sage. Nul ne m’a vu sortir de sa maison.
    – Qu’en savez-vous ?
    Cette question laissa Tristan pantois.
    – Hâtez-vous, messire. Nous nous réunissons tous à l’entrée du pont Saint-Bénézeth et, pour nous appeler, on sonnera à herle (239) .
    *
    Tristan ne voyait pas la tête du cortège. Au-delà des garde-fous du pont, le Rhône gras et boueux étincelait entre des berges couleur rouille. Devant, parmi les flottements colorés des pennons et des bannières, apparaissait une sorte de forteresse entourée d’arbres grisonnants qui, sous le ciel charbonneux, perdait l’importance dont elle se prévalait lorsqu’on la regardait de l’autre côté de la rive.
    En présence de cet édifice de plus en plus distinct, l’impression de respect, voire de religiosité se retirait de Tristan. Il n’avait devant lui qu’un château de briques et de pierre d’un teint jaunâtre, fortifié ici et là

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