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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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de tours et de contreforts. Ça le palais de l’entremetteur de Dieu ? Le logis du substitut suprême ? La première église du Christ ? Cette bastille ne lui procurait que le sentiment calme, purement humain, d’un lieu de refuge ordinaire pour voyageurs exténués. Elle avait résisté aux routiers, disait-on ? Soit : ses hautes murailles auraient pu soutenir un long siège. Elle avait vu fumer à ses pieds les camps des pires malandrins et particulièrement celui de l’Archiprêtre. Jamais ces enfants de Satan n’eussent osé l’envahir. S’ils se moquaient du courroux des hommes, ils redoutaient celui du Très-Haut.
    A l’extrémité du pont, des gardes dépourvus de vêtements de fer, mais armés de vouges, adoptèrent une attitude rigide peu avant le passage du roi.
    – Les papalins, dit Artois assez haut pour montrer qu’il était informé.
    Dès lors, il y en eut de loin en loin, de part et d’autre de la rue, indifférents au passage du roi et aux remuements d’une foule clairsemée. Ils étaient coiffés d’une sorte d’aumusse et portaient un pourpoint safran. La plupart étaient des quadragénaires qui sans doute, avant d’opter pour la paix pontificale, avaient guerroyé tant et plus.
    Une enceinte crénelée apparut où, de distance en distance, des tours comme liées en gerbe par l’infini serraient étroitement la cité. Cette ceinture défensive était épaulée de petits châtelets de sorte qu’Avignon, de près comme de loin, paraissait plus guerrière que religieuse.
    – Bah ! fit soudain Paindorge en caressant l’épaule de Malaquin tandis qu’on s’engageait sous la voûte d’un châtelet cantonné d’échauguettes.
    Bruyante, bariolée, la populace grossit. Tristan aperçut, blanc et rouge, un costume oriental, puis un autre, soudain avalés par la cohue.
    – Y a-t-il des mahoms ? interrogea Paindorge.
    Il n’eut pas été plus troublé en voyant flotter sur les remparts des bannières de sinople à sept langues, frappées du croissant détesté.
    – Il se peut que ce soient des marchands vénitiens ou quelques chevaliers venus de Rhodes. Le Pape est le remède universel des âmes en peine. On le vient voir de partout.
    Des maisons pauvres apparurent aux fenêtres desquelles se penchaient des enfants. Comme pour aggraver le trouble de Paindorge, des moucharabis de bois s’accrochaient à la façade de l’une d’elles, et l’on eût dit deux tumeurs sur une peau blême. Plus loin, des édifices nobles apparurent. Tristan vit sur les murs des armes où figuraient des lis d’un dessin vigoureux et même, au-dessus d’un écu de pierre : Mont joie Saint Denis. Bien qu’étant attendue, la bannière aux lis faisait son effet. On frappait des mains, on criait « Noël  », et «  Vive le roi ! » D’un carrefour surgit un capitaine à cheval. Il salua Jean le Bon et le précéda pour lui ouvrir la voie.
    La foule s’accroissait, devenait téméraire : certains présomptueux voulaient toucher le souverain ou son cheval. Aucun des grands vassaux ne semblait à l’aise. Suivant l’usage, lorsque le roi manifestait du déplaisir, ses subordonnés tremblaient, or, la malaisance de Jean II, ce matin, semblait inguérissable. Tristan de Maignelet confia, penché, à Boucicaut :
    – Il a mal dormi… Il paraît qu’il se réjouira davantage de voir la reine de Provence – si elle est présente – que le Vicaire du Christ !
    Tristan retint Alcazar juste avant qu’il n’allât donner de la tête dans la croupe du baucent que le maréchal obligeait à l’arrêt.
    – Holà ! Tu as tes nerfs, dirait-on.
    Le cheval blanc houssé de vermillon remua sa tête encapuchonnée. Il détestait ce vêtement dont Paindorge l’avait affublé. Il aimait sa nudité blanche. Il aimait à se sentir libre. Qu’il eût autour de lui une robe de vent, certes, mais point ce tissu pourtant léger qui constituait une entrave à ses jambes, à son cou, et en faisait une espèce de jument parée pour une saillie de grand prix.
    –  Allons, sois quiet, recommanda Tristan. Si tu crois que je me sens à l’aise dans tout ce fer qui m’étreint.
    Bien qu’il l’eût bien en main comme à l’accoutumée, il redoutait que la foule et son vacarme ne missent son coursier d’humeur si mauvaise qu’il ne pût l’empêcher de ruer, de hennir et de troubler la bonne ordonnance d’un cortège lentement apprêté. Il sentait sous le houssement soyeux les frissons

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