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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Avignon ? Êtes-vous un ami ?
    – Son ami ?… Ah ! Messire, c’est justement le contraire.
    – J’en suis heureux… Tristan de Castelreng pour vous servir.
    – Amanion de Pommiers 44 . Je suis sûr qu’Archiac séjourne en cette ville. Nous devons lui et moi conclure une riote… devant le roi, s’il y consent.
    Encore une dissension. Décidément, cet Archiac était un monomaque !
    – C’est vrai qu’il est un fumeux. Je lui ai donné, à Paris, une leçon qu’il n’a sûrement pas digérée. Il me veut, paraît-il, une revanche mortelle. Mais je vous accorde volontiers la priorité.
    – Je vous en sais bon gré… A nous revoir, messire.
    L’homme talonna son cheval et se fraya, de la voix, un passage. Alors, les palais pontificaux apparurent.
    – Adoncques, c’est ça, murmura Paindorge sans émoi.
    – Le Palais-Vieux… Et cette tour, selon ce que m’a dit Boucicaut, c’est la Trouillas et l’autre la Tour des Anges… s’ils existent.
    D’un regard vif, Tristan considéra les murs talutés à leur base et munis de mâchicoulis sur des cintres serrés entre des arcs-boutants puissants.
    – Et ça, messire ?… Et ça ?
    L’écuyer désignait successivement une vaste façade, une échauguette sur contrefort et au-dessus d’une voûte deux tourelles malingres surmontées de clochetons verruqueux.
    – Le Palais-Neuf.
    Construite en équerre avec l’ancienne, de façon à aménager une vaste cour intérieure, la récente forteresse ne leur inspirait que de la déception. Ils ne découvraient rien de sacré dans ces murailles rosâtres, mais plutôt une espèce d’affectation ou d’hypocrisie. Cette irréligieuse emphase les rendait soupçonneux quant à la foi des Papes qui avaient présidé à l’édification de ces monuments. Les comparant soudain à Sainte-Cécile d’Albi, rose, éclatante d’unité, de grandeur et de ferveur, Tristan douta que ces palais pussent abriter d’authentiques serviteurs de Dieu. Alors qu’il s’était attendu à une rencontre susceptible de réveiller sa piété assoupie, de forcer son admiration, de le rassurer sur la présence divine incarnée par tous les prélats qui, mitre en tête et crosse en main, attendaient le roi dans le scintillement de leurs chasubles de soie, de satanin ou de tartaire 45 rehaussées de pierreries, il ruminait sa déconvenue. Au cours du long cheminement qui l’avait conduit de Paris jusqu’à ce parvis envahi d’une foule fiévreuse, il avait comparé les châteaux qu’il entrevoyait de près ou de loin. C’était un passe -temps pour lui que concevoir le caractère de ceux qui les avaient bâtis et entretenus. Si l’âme des constructeurs de la Papauté d’Avignon, volontaire, astucieuse et même fri vole imprégnait tous ces édifices, l’esprit divin en était absent.
    –  Bah ! fît-il. Pour tout ce que nous aurons à faire…
    Au lieu d’imaginer, au deçà des murailles, le front impassible, le regard clair et la sérénité quasi vertigineuse d’un successeur de saint Pierre, il peuplait son esprit de tonsurés hilares observant aux fenêtres une foule pareille à celle de ce dimanche de sainte Catherine dans laquelle, comme maintenant, erraient des filles follieuses outrément vêtues.
    – Depuis que nous sommes partis, dit Paindorge debout sur ses étriers, je n’ai pas aperçu le roi. Il a dû mettre pied à terre car je ne le vois pas davantage… A-t-il mis sa couronne ?
    – Oui. Elle est rivée sur son bassinet… Et le Pape apparaît, coiffé de la tiare.
    – Je le vois, messire !… Une, deux, trois couronnes l’une au-dessus de l’autre. Sa tiare, comme vous dites, on dirait une cervelière qui ne peut pas descendre au-delà des oreilles.
    C’était bien observé. Cependant, si la sainte coiffe célébrait la primauté de l’or, de l’argent et de la papauté sur toutes les valeurs humaines, les vêtements étaient d’une simplicité presque monacale. Ils insultaient, à vrai dire, le grand bobant 46 des serviteurs de la papauté.
    Sa Sainteté Urbain V s’avança seul au-devant de Jean II.
    Silence. Pas un oiseau. Aucun mouvement. Les chevaux eux-mêmes semblaient victimes d’un sortilège. On entendait sur le sol le tintement de la crosse, toute simple elle aussi, que le nouvel Élu tenait haut et fort.
    Le roi gravit quelques marches et disparut pour une génuflexion. Le Pape ébaucha un sourire. Un brouhaha s’éleva de la foule. Jean II se releva, ôta

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