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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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dont il se serait passé, j’en ai la conviction !… Oyez donc Sa Parole qui vous enjoint de vous aimer les uns les autres ! Cessez les calomnies ! Cessez de vous haïr ! Abandonnez ces préparatifs guerriers…
    Tristan vit le Pape approuver sans toutefois dire un mot dans le sens souhaité par le moine.
    – Car la Parole du Tout-Puissant, dois-je vous la rappeler, sire ? Dois-je vous l’enseigner, Jeanne ?
    Il y eut des mouvements, du bruit, une espèce de réprobation contre cet homme en froc de bure qui perturbait un émoi légitime.
    – … celui qui affirme se trompe. Celui qui nie se trompe. Dieu a livré le monde à leurs disputes, et Lui, il demeure caché jusqu’à la disparition de ces artisans du mensonge…
    –  Je n’ai pas menti ! se courrouça Jeanne.
    –  Je n’ai pas menti, affirma Tristan.
    Les convives opinaient en faveur de l’un ou de l’autre, et le Pape souriait, trouvant cet étalage insane et frivole à la fois.
    – A outrance, murmura Archiac.
    Il semblait tout à coup redouter de périr. Un échanson passa qui remplit les gobelets. Archiac vida le sien et s’enquit :
    – Qu’en penses-tu, Castelreng ?
    – L’outrance !… Jeanne la personnifie. Elle veut me faire payer un moment d’abandon que je ne lui ai pas demandé.
Tu l’as foutie ?
    Tristan n’osa baisser la tête, bien qu’accable d’une sorte de remords pour une faiblesse après tout ordinaire.
    – Hélas !
    Une espèce d’émerveillement illumina les yeux d’Archiac :
    – Je t’envie. C’est un morceau de roi.
    – Bah !
    Tristan ne se sentait l’envie ni de se livrer en quelques mots, ni de déprécier la belle Jeanne. Il la toisa, la dénuda du regard avec une insolence mesurée. Elle devint livide, saisit son couteau et il put évaluer, à sa grimace, combien cette fleur de chair dont il connaissait l’odeur et les contours était pernicieuse, vénéneuse : un chiendent qui se fût paré en rose de Saron.
    – Je ne manquerai pas ces déduits 62 pour tout l’or du monde ! dit Audrehem.
    Et chacun de ses voisins d’opiner, ce qui parut déplaire à Jean 11 : envieux de gloire et sevré d’humi liations, on lui préférait tout à coup deux convives tout aussi robustes l’un que l’autre, et qui avaient accueilli sans émoi apparent l’annonce de leurs estrifs (268) .
    –  Nous saurons apprécier, messires, vos mérites. Et comme vos émules 63 ne sont point parmi nous, je puis me permettre de vous dire : gardez-vous de leur courage et de leur science. Pommiers est un homme rude. D’après ce que m’a confié la reine de Naples, Bridoul de Gozon, son champion, n’a jamais connu la défaite… Il a d’ailleurs de qui tenir : son oncle n’est autre que Dieudonné de Gozon qui à Rhodes, voici tout juste vingt ans, meurtrit de son épée le dernier monstre de la terre : une espèce de dragon, de guivre – que sais-je ! – qui eût sans doute effrayé saint Georges… Je regrette que messire Pétrarque ne soit point en Avignon : il eût écrit sur ces deux essoinnes 64 des lignes dont la postérité se serait réjouie !
    Sans doute, cette dernière phrase lui avait-elle été conseillée par le cardinal du Périgord qui lui avait fait passer, au-dessus des écuelles, un carré de parchemin que Jean II avait lu en hâte, sans cesser de parler. Il y eut un silence. Il semblait que toutes les gorges se fussent serrées dans l’attente des combats.
    – D’où a-t-elle tiré ce Bridoul ? demanda Archiac.
    – De son lit peut-être, suggéra Guy d’Azai.
    – Non, dit Tristan. Il serait mort. Cette Jeanne est pareille à Jeanne de Bourgogne. Sa tour de Nesle est là où elle couche. Je ne serais point surpris qu’on repêche, ces temps-ci, quelques corps dans le Rhône… s’ils n’ont point été lestés d’une grosse pierre.
    Archiac et Guy d’Azai le regardèrent étrangement.
    Il crut comprendre qu’il les gênait, soudain, l’un et l’autre, tant par sa bonne fortune que par la haine qu’il avait provoquée chez la belle Jeanne.
    Elle ne l’observait plus : elle le considérait en son for intérieur comme un homme déjà mort, dont le trépas ne susciterait aucune difficulté à son champion.
    – Il me faut par-occire Pommiers, grommela Archiac.
    Je vais devoir pourfendre ce Bridoul, et si je déçois la dame en survivant à ce combat, je devrai quitter Avignon afin de me mettre hors d’atteinte de sa vindication (269) et de ses

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