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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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sicaires.
    – Holà ! fit Archiac. N’en ajoutes-tu pas ?
    – Ils ont failli m’occire une fois.
    Archiac doutait-il de ce qu’il entendait ? D’un regard léger tout d’abord, il embrassa les convives réunis à l’entour du roi. Il semblait qu’il eût perdu tout intérêt à ce festin et que rien d’autre ne comptait pour lui que cette reine dont il eût voulu percer les secrets, même au risque de compromettre son existence. Dans la vaste salle où les fumets des aliments et les brumailles du feu de cheminée formaient une buée de plus en plus épaisse remuée par le continuel va-et-vient des serviteurs, des rires commençaient à s’élever, traversés parfois par les crécelles des femmes.
    Tristan s’aperçut qu’il était épuisé. Il n’avait plus rien à dire et ne trouvait aucun sujet susceptible de faire diversion à sa rage. « La salaude ! J’aurais dû m’en défier ! » Le Pape qui restait obstinément muet lui lançait parfois un regard dont il n’eût su dire s’il était lourd de dédain ou de compassion. Il semblait à coup sûr mécontent que l’on eût pris, sans requérir son avis, Vil leneuve pour une lice dont deux hommes ne sortiraient point vivants. Le voisinage de tous ces guerriers attablés, avides de verser le sang et souhaitant le voir couler sur d’autres, fussent-ils leurs pairs, le courrouçait jusqu’à lui couper l’appétit.
    –  Oyez, Castelreng et Archiac, dit le roi. Le six décembre.
    – Nous y serons, sire… Matin ou après-midi ?
    – Dès l’heure de none. C’est la meilleure : le soleil y chauffe mieux.
    – Je me réchaufferai, sire, auprès de feu Pommiers !
    – Ah ! Ah ! dit Jean II. Elle est bien bonne. Et vous, Castelreng ?
    – Avec l’aide de Dieu, je ferai pour le mieux.
    Tristan s’était penché, usant d’une attitude et d’un ton dont l’insolence était comme un réconfort à sa destourbe (270) . Il se sentait aussi pâle qu’un homme traduit en justice et dont l’innocence devient tout à coup un délit. Le silence revenait. Le roi souriait. Jeanne souriait. Le Pape, soudain, avait au bas du visage une sorte de trait lumineux qui pouvait être un sourire. Audrehem buvait du petit lait.
    –  Vous n’avez pas l’air chaud, Castelreng, dit le roi.
    A quoi bon répondre. La meilleure réponse, il faudrait la lui fournir le prochain mardi. Il vaincrait ce Gozon. En toute autre circonstance, jouter contre un homme puis l’affronter à l’épée – fût-elle rebattue comme en tournoi –, lui eût semblé une corvée. Il en allait différemment en l’occurrence. Tout cela par et pour le caprice d’une femme à laquelle, au lit, il avait tiré des soupirs béats sans doute exagérés.
    Un dégoût le prit à détailler son visage aux lèvres pâles, serrées. Sous l’effet de la colère, sans doute, son teint s’était comme desséché. Ce n’était plus qu’une beauté froide comme cette guivre à laquelle Jean II avait fait allusion lorsqu’il avait annoncé la parenté de ce Bridoul avec Dieudonné de Gozon.
    Il se leva et sans exciper du moindre prétexte, il s’éloigna sans même avoir, d’un geste, salué Azai et Archiac. Il sentit cent regards ou plus sur sa personne tandis qu’il s’ouvrait une voie parmi les serviteurs. Il entendit quelques rires. Ils ne purent affecter la sérénité dans laquelle il se maintenait pourtant à grand-peine.
    – Il me faudra occire son champion !
    Depuis quand et de quels lieux Jeanne de Naples avait-elle tiré ce Bridoul ?
    Sitôt dehors, après avoir respiré à grands coups, les incertitudes qu’il avait maîtrisées l’envahirent. Il reprit à pied le chemin de Villeneuve, heureux de sentir son épée tinter contre sa heuse. Les manants et les bourgeois profitaient du soleil pâle, et les femmes étaient jolies, mais il les voyait à peine.
    *
    Assis sur la margelle du pont Saint -Bénézet. Paindorge lançait un par un dans le Rhône une poignée de cailloux rassemblés sur sa paume. Tristan se soulagea de lui raconter ce qu’il avait vu et ce qui s’était dit au cours du festin jusqu’au défi, par souverain et champion interposés, que lui avait lancé la belle Jeanne. L’écuyer se recueillit et jeta, non sans fureur, le reste des cailloux dans le fleuve :
    – Je vous avais prévenu. Cette femme est maléficieuse. Vous n’aviez point besoin d’un tel embrènement (271) .
    –  Je sais !
    – Nous aurions dû partir. Passer

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