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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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suzerains va nous paraître longue, continuait Jean le Bon dont la voix, maintenant, semblait moins ferme, quoique râpeuse, mais nous sommes patients.
    Il l’était sans doute. Il regardait au-dessus des chaperons, cheveux, barrettes et tonsures comme s’il craignait de découvrir, en dessous, sur les visages inanimés, les signes d’une lassitude en germe. Mais il lantiponnait toujours (264) . Au reste, les hommes d’armes accoutumés aux vacarmes, violences et querelles des grands festins commençaient à s’ennuyer de trop surveiller leurs propos et leurs gestes. Le voisinage du Pape plus encore que celui du roi mettait leurs instincts en chômage. Aucune dissension n’était permise avec quelque voisin ou vis-à-vis détesté. On leur mesurait la boisson et l’on avait su disposer çà et là quelque moine d’apparence ascétique pour leur rappeler que la colère, la voracité, l’envie et l’orgueil constituaient quatre péchés capitaux. Ils regrettaient de ne pouvoir s’interpeller en termes crus ; de ne pouvoir lancer aux femmes, sauf peut-être à la belle Jeanne, quelques lobes ou parçons (265) d’une hardiesse immodérée-et, surtout de ne pas s’abreuver à leur aise. Et Jean II pérorait toujours, la tête penchée soit vers la reine de Naples, soit vers son propre ventre en partie couvert par son pourpoint d’azur aux lis brodés de fils d’argent. Sous le chaume clairsemé de sa chevelure, son front court, capiteux 60 ne cessait de se bosseler de rides, et parfois ses yeux froids, demi-morts, regardaient le Saint-Père cependant qu’un tic parcourait ses joues creuses, et jusqu’à son menton dont la barbiche pendouillait telle une poignée d’herbes sèches. Comme, lui prenant la main, Jeanne l’obligeait à l’écouter, il prêta l’oreille au murmure d’une requête, et acquiesça plusieurs fois :
    –  J’y viens, m’amie. J’y viens. Or, laissez-moi poursuivre.
    Tristan reçut alors, jusqu’au fond des yeux, l’éclat du regard que la souveraine de Naples dirigeait sur sa personne. Avait-il été question de lui ? Pourquoi ? Non, il se méprenait : il était insuffisamment important pour continuer d’intéresser la belle.
    – … et en cette occurrence, nous traiterions, messires, avec les Compagnies. Sa Sainteté leur donnera l’absolution.
    Urbain V parut surpris d’une telle certitude en forme d’ultimatum. Nonobstant son autorité en toute chose et son droit de réfutation immédiat et sans appel, il se tourna vers ses assesseurs du Sacré Collège et parut indigné de voir la plupart d’entre eux en accord avec les propos du roi.
    – Ainsi, dit Tristan entre ses dents, ces enfants de Bélial se sentiront pousser de célestes ailes !… Que d’archanges, en vérité ! Messire Saint-Michel sera content !
    – Hélas ! fit Archiac.
    – … et si nous ne franchissions pas la mer, notre allié, Enrique de Trastamare, verrait ces hordes malfaisantes renforcer ses armées !
    Cette fois, le Pape approuva. Il les abominait, ces Compagnies, et ne tenait point à être rançonné comme son estimé prédécesseur. S’il aimait la vertu avec passion, il ne craignait point, en cette occurrence, qu’elle ne se corrompît dans une guerre absurde, auprès de crapuleux inguérissables. Puis il retomba dans sa méditation triturant parfois une boulette de pain ou toucho tant le pied de son hanap serti de gemmes sur lesquelles louchaient Audrehem et Artois.
    Entreprendre une guerre avec ces armées affreuses, c’est jouer gagnant sans doute pour la Castille, mais perdant devant Dieu.
    Si Don Pèdre est un malandrin, le Trastamare est un truand.
    Archiac approuva Guy d’Azai tandis que Tristan, muet, voyait la belle Jeanne tirer le roi par sa manche et réitérer sa prière.
    – Oui, m’amie, dit Jean II.
    Et s’adressant particulièrement aux guerriers :
    – Nous vaincrons !
    Qui ? Les infidèles ou les Castillans favorables à Pedro de Castille ? Un convive allait-il poser cette question ? Non. D’ailleurs le roi lancé dans ses rêves chevaleresques, continuait sa verbigération sans comprendre qu’il n’intéressait plus personne. Il aurait du savoir que sa grandeur était chétive, son crédit détérioré, ses armées amenuisées peu enclines à la bataille : que lui-même n’était plus qu’un prisonnier en sursis et que si Édouard III s’alliait à Don Pèdre ce qui était prévisible, il aurait affaire à un homme qui le dominait

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