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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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par Castelreng et revenir à Paris. Vous auriez raconté n’importe quoi au dauphin. Il aurait été satisfait et nous aussi… Puis nous serions partis pour la Normandie où une fille belle et bonne vous espère !
    – Tu as raison. Maintenant, je me dois d’estriver contre Gozon. Ma vie…
    – Votre vie !… Il est bien temps de penser que vous l’avez compromise ensuite d’une coucherie dont vous êtes sorti déçu.
    – C’est vrai… Nous allons aller piéter dans la campagne, voir un champ où nous pourrons nous exerciser.
    – J’en suis d’accord. Monterez-vous Alcazar ?
    Cette question dérangea Tristan. Pas plus qu’un autre cheval, il ne voulait exposer celui-ci : de mauvais contendants s’en prenaient volontairement aux coursiers, dans les joutes à outrance, afin de jeter leur adversaire à terre.
    –  Je n’aurai qu’une course à fournir.
    – L’autre aussi. Et je crains…
    Paindorge avait baissé la tête. Il la releva et Tristan sentit ses yeux noirs s’enfoncer profondément dans les siens.
    – Je crains, messire, une chose insensée si ces deux combats sont brefs.
    – Laquelle ?
    – Que les deux vainqueurs soient opposés pour complaire à la belle gaupe.
    C’était une anticipation fortement et peut-être follement aventurée. Mais ne suffisait-il pas que Jeanne exprimât cette idée pour que Jean II la trouvât excellente ?

VII
     
     
     
    –  Excepté ceux qui sont présents pour besogner, il n’y a pas un oisif à l’entour du terrain. Ni un manant ni un soudoyer de garde. Personne…
    – Tant mieux, Robert. Un seul homme… oui, le supplément d’un seul homme à ceux qui sont ici suffirait à me déforcir. Je sens mes nerfs près de se rompre.
    Après avoir quitté leur logis, indifférents aux curieux éparpillés sur leur passage, Tristan et Paindorge, devançant Alcazar, étaient descendus à pas lents vers le fleuve. Dans un champ plat ceint de vignes dont les ceps alignaient jusqu’au faîte d’une colline leurs candélabres ténébreux, on avait dressé quatre trefs – un à chaque angle – et des manouvriers et des hommes d’armes s’employaient à clore de leur mieux cette lice improvisée.
    – Des trosses (272) , messire, au lieu d’une palissade en bois.
    – Je ne m’en soucie point. Ce champ est long de soixante toises, large de cinquante. C’est bien. C’est même trop pour nous meshaigner à pied.
    Face aux vignes, le long d’une haie qui occultait médiocrement les brillances du Rhône, on avait érigé, en planches et en dosses (273) , un échafaud pouvant recevoir sur ses escaliers de bois quelque quarante personnes. Près du garde-corps, au milieu d’un rang de faudesteuils disparates, trois chaires à haut dossier tirées d’une église juraient avec la simplicité des sièges circonvoisins. Elles recevraient entre leurs accoudoirs Sa Sainteté le Pape, le roi Jean II et la comtesse de Provence.
    –  Je ne me suis point fourvoyé, dit Paindorge. Il fait beau.
    La veille, en consultant le ciel, il avait prédit une journée de printemps. Sa prophétie s’accomplissait : un soleil blanc tiédis sait les maisons, les jardins et les champs de Villeneuve ; le Rhône en crue teintait d’azur son flot grumeleux et gris.
    Tristan exhala un soupir. « Suis-je las ? » Sitôt son réveil, à l’aube, il était resté au lit dans l’espoir de succomber à un second sommeil. Attente vaine mais agréable qu’il n’avait cessé de prolonger. Ses ablutions achevées, il s’était sustenté d’une tranche de bœuf et d’un quart de fromage assortis de trois gobelets de vin. Maintenant, et bien qu’il n’eût pas encore endossé son armure, il redoutait, une fois fervêtu, d’être pris d’une envie gênante, malaisée à satisfaire.
    – La nuit m’a paru longue, dit Paindorge en pénétrant dans le champ.
    – Et à moi ! Subirai-je le sort du bien-aimé d’Iseult ?
    Il faisait jour encore lorsqu’il s’était couché, le dos contre le drap, les bras le long du corps, les jambes disjointes dans une attitude reposante. Comme souvent, sa songerie l’avait emporté vers Castelreng et ses cam pagnes. Jamais, depuis qu’il hantait cette chambre somptueuse, il n’avait aussi soigneusement examiné dans la rouge grisaille du crépuscule, les hautes solives ornées de grosses vignetures où les verts successivement glauques et légers des feuilles créaient comme un écho à l’argent et à l’or

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