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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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pénétrer dans l'abbatiale.
    – Il analysait la scène, déduisit Hermione.
    – Pour savoir quelle attitude adopter, compléta Mary. C'est donc qu'il nous a caché quelque chose, ne croyez-vous pas ? Un autre détail est déconcertant pour qui connaît bien le jeu de tarot. Toutefois, étant entendu les… cachotteries de notre bon Arnoldus, je n'ai pas jugé opportun de l'évoquer sur place.
    – Quel détail ?
    – Le pied. On a pendu Blanche par le mollet droit. C'est une erreur. Le pendu est retenu par la cheville gauche, la jambe droite étant repliée derrière son genou gauche. Autre approximation étonnante, étant entendu la peine que le meurtrier s'est donnée pour… exhiber son crime : les bras de la novice flottaient sur les côtés. Or le pendu a les mains croisées derrière le dos. Il aurait suffit de ligoter celles de Blanche pour parfaire la ressemblance avec la lame.
    – Qu'en concluez-vous ? demanda Hermione, vivement intéressée.
    – Que celui ou celle qui souhaitait délivrer un message en utilisant cet arcane ne manifeste qu'une connaissance bien imparfaite du tarot, remarqua Mary de Baskerville en se levant. À vous revoir, ma chère.
    Elle ouvrit le battant et commenta d'une voix navrée :
    – Dieu du ciel. Quelle neige ! Elle tombe encore plus drue que tout à l'heure. Quant à cette aurore malingre et laiteuse, elle ne me dit rien qui vaille.
    Après quelques instants de réflexion, elle ajouta d'une voix guillerette qui stupéfia Hermione, étant entendu les récents événements :
    – Je trouve les Clairets bien plus distrayants que mon ancienne abbaye. En revanche, je vais regretter le franc soleil de Castres. Bah, on ne peut pas tout avoir !
    Elle disparut, happée par l'aube neigeuse.
    1 Lustre.
    2 On repasse depuis l'Antiquité. Il s'agit à l'époque de fers creux, équipés d'une sorte de petit volet qui permet d'introduire les braises à l'intérieur.
    3 On ignore au juste son origine, Chine, Égypte ou Inde. Des bohémiens l'auraient ramené en Europe.

Rue Saint-Jacques, Paris,février 1308, ce même jour
    Jeanne de Signulles soupira en étirant les jambes. Les derniers mois avaient filé, elle ne savait trop où. Elle avait le sentiment d'évoluer dans une sorte de semi-torpeur dont elle ne s'éveillait que rarement. Quelle importance ? Ses souvenirs d'avant s'estompaient à une folle vitesse. Elle ne parvenait qu'à grand-peine à se souvenir des traits de son défunt mari. De quelle nuance étaient ses yeux ? Avait-il porté la barbe ? Souriait-il volontiers ? Quelle intonation dans sa voix ? D'abord inquiétante, cette partielle amnésie avait peu à peu rassuré Jeanne. Le passé n'existait plus. Le passé, c'étaient les hurlements d'Aude lorsque des crises douloureuses la tendaient, soulevant son petit corps étique en arc de cercle. Le passé, c'étaient ses larmes qui déchiraient sa mère plus sûrement qu'une lame. Arnaud, son bel et mystérieux amant, avait fait disparaître le passé, disparaître la légion de médecins qui défilaient dans la chambre de son ange, s'approchant à peine de son lit de souffrances alors qu'ils étaient incapables de nommer le mal qui la taraudait. Arnaud avait fait disparaître leurs soupirs d'affliction convenue lorsqu'ils ôtaient le masque de cuir qui leur protégeait le nez, leur épargnant les odeurs nauséabondes des corps souffrants, et hochaient la tête pour signifier à Jeanne la proche fin de l'enfante. De cela, elle serait à jamais reconnaissante à son amant de noir vêtu. Du reste, elle s'accommoderait. Elle s'était rebellée contre l'inévitable, elle avait accepté l'inacceptable. En toute connaissance de cause.
    Elle examina son avant-bras, suivant du regard la longue estafilade pâle, si rectiligne qu'on l'aurait crue tracée à l'aide d'une règle. La lame acérée d'une daguette qui s'enfonçait délicatement dans sa chair. Aucune souffrance, juste un étonnement. Le sourire bouleversant d'Arnaud contre ses lèvres. Ses jambes qui enserraient sa taille, sa main gauche qui caressait son ventre. Durant une longue seconde, rien. Et puis, la naissance paresseuse d'une goutte de sang, juste au-dessous de son coude. Une autre, encore une autre, admirablement formées. Enfin, toute la ligne de l'entaille qui pleurait du sang. Le sang qui dévalait sans hâte vers la paume ouverte de Jeanne. Le regard si noir d'Arnaud dans lequel brillait une lumière sauvage, vitale. Il avait léché le

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