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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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sang, d'abord avec une tendresse amoureuse puis avec une sorte de passion féroce. Lorsqu'il avait redressé la tête, lorsqu'il l'avait embrassée avec fougue, abandonnant sur ses lèvres le goût de son propre sang, elle avait su qu'il n'existait plus de retour en arrière. Il avait murmuré d'une voix rauque :
    – Tu es à moi, tu es en moi, à jamais.
    La lame de la daguette s'était alors enfoncée dans le bras musclé et pâle d'Arnaud. Elle avait bu son sang.
    Depuis, elle partageait ses soirs et ses nuits, ne sachant guère où il disparaissait le jour. Où allait-il ? Qui était-il au juste ? Au fond, une réponse précise à cette question lui était indifférente. Un être extraordinaire, d'un lointain passé ? Un être au-dessus des règles, des craintes communes ? Peut-être. Au début, elle avait veillé sur ses sommeils agités, se demandant ce que signifiait au juste le serpent enroulé gravé sur l'onyx de sa bague d'auriculaire qu'il ne quittait jamais, attendant, espérant que la complicité de la nuit lui révélerait les secrets de son amant. Une sueur malsaine trempait ses cheveux, collant les longues mèches ondulées sur son front, ses joues. La douleur, ou peut-être la peur crispait ses sourcils si bruns, et des larmes naissaient au bout de ses longs cils. Il marmonnait, secouant la tête pour refuser elle ne savait quoi. Elle s'était peu à peu lassée de cette surveillance nocturne qui ne lui apprenait rien. Ils jouissaient de tant de temps, les lois régissant le monde des créatures humaines ne s'appliquaient plus à eux, et elle avait obtenu ce qu'elle avait exigé en contrepartie d'elle : la vie et la paix d'Aude.
    Jeanne se leva et passa une cotte fendue 1 de cendal carmin sur son chainse de nuit. Un souffle paisible et régulier de dormeuse l'accueillit lorsqu'elle pénétra dans la chambre de sa fille. Elle ferma les yeux et plaqua la main sur sa bouche afin d'étouffer un gémissement de bonheur. Elle avait offert deux fois la vie à son ange précieux qui reposait en quiétude, un sourire aux lèvres. Rien d'autre ne comptait encore.
    1 Tunique longue ou robe ouverte sur le devant.

Abbaye de femmes des Clairets,Perche, février 1308, ce même jour
    Monsieur de Villanova avait supplié l'abbesse d'accepter ses excuses. Une urgente réflexion, relative au meurtre de Blanche de Cerfaux, ne lui permettrait pas d'assister à l'office divin de la journée. De fait, installé dans la chambre assez spacieuse que lui avait réservée la sœur hôtelière, Arnoldus de Villanova n'avait cessé de ressasser ce mystère. Toutefois, ses pensées, ses interrogations l'avaient mené bien au-delà de l'abbaye. Il traquait Blanche depuis des années, flairant sa piste jusqu'aux Clairets, n'hésitant pas à entreprendre un long voyage afin de la rejoindre, de l'acculer. Blanche détenait une partie de la solution de l'effarante charade qui avait mené Arnoldus dans tout l'Occident chrétien. Mais Blanche était morte, emportant ses secrets dans la tombe.
    S'était-il encore fourvoyé ? Au contraire, parvenait-il enfin au but ? Son ennemi, leur implacable, redoutable, terrorisant ennemi, Arnaud Amalric, était-il enfin à portée ? Avait-il fait occire Blanche de crainte de ses confidences ? Il en avait le pouvoir.
    Arnoldus errait depuis des années, passant d'une abbaye à l'autre, ne rejoignant qu'occasionnellement ses frères de combat pour leur délivrer des nouvelles décevantes. Une course contre le temps. Le temps le trahissait depuis des années. Une fatigue de pré-mort remontait dans ses os. Il la sentait jusque sous son épiderme. Elle le rongeait un peu plus chaque jour. Il avait enterré deux papes et encore plus de rois. Un vieillard de soixante-dix-sept ans. Un vieillard que seul tenait encore la force que lui insufflaient ses frères, leur confiance, la rage de défaire l'ennemi avant qu'il ne se répande sur le monde comme sa plus incurable maladie. Sans oublier quelques potions de son secret qui lui auraient probablement valu la geôle si on les avait connues.
    Ils avaient tant tardé à réagir. La faute en revenait principalement à Clément V, à ses atermoiements, à la difficulté de convaincre cet homme, dont la prudence devenait fautive, que le mal était à leurs portes, que sa puissance prenait en ampleur et qu'il fondrait bientôt sur toutes les créatures. Villanova et ses six frères, tous scientifiques, alchimistes de renom, avaient patiemment rassemblé

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