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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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plein mois de février au prétexte d'étudier les simples sentait la piètre mascarade. En d'autres termes, s'il dissimulait un secret à l'abbesse, elle était fondée à le découvrir par affection pour son ancienne mère. Forte de cette belle logique, elle tendit l'oreille.
    – Frédéric, tant de choses terribles nous unissent. Mais, par-dessus tout, c'est l'aveugle confiance que nous avons placée dans nos frères qui nous soutient et nous préserve. Mon frère… je vous écoute.
    – Vous aviez vu juste, la bête est remontée au nord. Il se terre quelque part dans les parages. Toutefois, vous savez aussi bien que moi qu'il se ménage toujours plusieurs tanières.
    Tendu à l'extrême, monsieur de Villanova exigea d'une voix hachée des explications. Ainsi, il avait vu juste. Celui qui se faisait appeler Arnaud Amalric se terrait non loin des Clairets. Son compagnon d'une guerre souterraine et sans merci poursuivit :
    – Un jeune moine de Dame-Marie prénommé Gilbert. Son cadavre a été retrouvé allongé, exsangue, sur la table du dolmen connu sous le nom de « Pierre procureuse ». Une pierre hautement païenne, comme vous ne l'ignorez pas. Ce sont des paysans venus ramasser du bois tombé qui l'ont découvert.
    – Comment a-t-il été tué ? s'enquit monsieur de Villanova d'une voix métallique.
    – La gorge tranchée, d'une oreille à l'autre. Une belle blessure, sans hésitation, qui évoque fort Arnaud Amalric. Toutes les victimes que nous sommes parvenus à lui attribuer jusque-là ont péri égorgées, sans autres sévices. Des exécutions, rien d'autre.
    Ce rappel conforta Arnoldus dans ses déductions : leur ennemi n'était pas le meurtrier de Blanche de Cerfaux. La fureur des coups portés au crâne de la novice l'attestait. Il demanda :
    – A-t-on un début d'élucidation ?
    – Après une rapide enquête en l'abbaye de Dame-Marie, il est vite apparu – grâce à des témoignages – que frère Gilbert était parti à l'aube en compagnie d'un ancien enlumineur-copiste, transféré de l'abbaye de Jumièges, un certain frère Henri. Selon un témoin, le jeune moine portait à l'épaule une bougette renflée, sans doute de vivres, preuve qu'il prévoyait un périple assez long.
    – Qu'en a affirmé ce frère Henri ?
    – Il a d'abord commencé par nier, n'hésitant pas à jurer sur les quatre Évangiles, sur lesquels il posait la main, qu'il ne savait rien de cette histoire, précisa Frédéric. Devant l'abondance d'indications contraires, il a fini par avouer. Je vous passe les détails. Il s'est effondré en sanglotant comme un enfançon, en jurant qu'il avait été ensorcelé. Et puis, il a décrit le cavalier noir avec qui il avait rendez-vous. Celui-ci devait lui offrir la vie éternelle et lui rendre la finesse de sa main en échange du sacrifice du jeune homme. Si l'on en croit frère Henri, c'est le cavalier qui aurait égorgé le moinillon. Quoi qu'il en soit, il sera jugé et sévèrement châtié. C'est lui, Arnoldus ! Le cavalier noir correspond à la description que tous nous ont faite de ce monstre démoniaque, de celui qui se fait appeler Arnaud Amalric.
    À cette déclaration, monsieur de Villanova avait blêmi jusqu'aux lèvres. Son cœur s'était emballé à lui faire presque mal. Il plaqua la main sur sa poitrine et un vertige l'aveugla.
    – Arnoldus, mon cher frère, s'affola le prétendu messager. De grâce… remettez-vous !
    D'un geste, monsieur de Villanova l'apaisa.
    – Je vais bien, mon ami. Je ne sais si c'est le soulagement de parvenir enfin au but, ou la crainte d'être à nouveau déçu. Peut-être même, je l'avoue, la peur de me trouver face à cet être maléfique et si puissant. Et si je faiblis ? Et si je faux à ma tâche ?
    – Vous ? Jamais. Pourquoi croyez-vous que nous avons placé nos espoirs en vous ? Vous êtes le seul capable de résister à sa magie, à ses redoutables menteries qui ont condamné tant d'êtres à la perdition, à la damnation éternelle. Vous serez insensible à son ignoble séduction, j'en suis certain.
    – Dieu vous entende !
    Une sorte d'effroi superstitieux avait gagné Alexia de Nilanay. De quoi parlaient au juste les deux hommes ? Quelle bête voulaient-ils défaire depuis si longtemps ? Quelle magie ? Quelle damnation ? Ces mots si terribles l'inquiétaient fort, tout en aiguisant sa curiosité. De l'autre côté du conduit de cheminée, la conversation se poursuivait.
    – De quelle

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