Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
l'abbesse en demandant :
    – Des rumeurs ? De quel ordre ?
    – Eh bien, tout d'abord, ces créatures ne sont pas véritablement… le projet de Dieu.
    Parce que tu crois que tu l'es ?
    – Fichtre, je vous savais savante mais pas au point d'être familière à ce point des intentions divines. Vous m'impressionnez, ma fille, ironisa l'abbesse.
    La riposte porta. Agnès biaisa :
    – Il est de notoriété commune que les monstres ne peuvent être un fruit de Dieu.
    – Il est de notoriété commune que les imbéciles et les superstitieux sont légion. Nous nous en accommodons pourtant.
    Certaine de sa supériorité sur cette gamine et sur toutes les autres, Agnès Ferrand ne prit pas la pique pour elle. Elle siffla :
    – Ils volent ! Malgré votre bonté, ils vous pillent, cria presque la portière.
    – Votre pardon ? Il s'agit là d'une accusation fort grave qui pourrait leur valoir un châtiment d'importance.
    – Les mains tranchées, savoura la portière. C'est tout ce qu'ils méritent !
    – Avez-vous des preuves pour étayer votre conviction ?
    – Si fait ! C'est que je les ai à l'œil. Ils ne me bonimenteront pas avec leurs mines trompeuses de pauvres souffre-douleur. La femelle naine est sans doute la pire et la plus sournoise. Me croit-elle aveugle en plus d'être idiote ! Je la vois parfois trottiner, le ventre arrondi comme si elle était avec enfant. Elle dissimule ses larcins sous sa tunique, vous dis-je, martela la portière en tendant un index accusateur vers l'abbesse. Même Marguerite Bonnel, notre hôtelière, s'est plainte de ce que deux coutes avaient disparu des chambres d'hôte de passage.
    Un fugace désappointement tempéra l'agacement de Plaisance de Champlois. Ils ne pouvaient faire cela. Ils ne pouvaient l'avoir dupée tels de vils coquins. Elle en aurait le cœur net et sévirait, le cas échéant.
    – D'ailleurs, reprit l'autre, vous refusez l'évidence, mais l'on n'ignore pas que nombre de ces monstres ont fait un pacte avec le diable. N'est-il pas étonnant que cette pauvre Blanche ait trouvé la mort de si odieuse façon dès après leur arrivée !
    – Êtes-vous consciente de la gravité de vos paroles ? s'alarma l'abbesse.
    Cette folle était capable de propager ses soupçons, les assortissant de prétendus indices et connaissances des vices des contrefaits. Elle ne manquerait pas de trouver des oreilles complaisantes. La superstition ferait le reste.
    Le sourire mauvais d'Agnès Ferrand la dessilla. Si tant est qu'elle eût dit la vérité, du moins au sujet des larcins – car pour ce qui était de Blanche, l'abbesse aurait juré de l'innocence des quatre pauvres hères –, le but pervers d'Agnès n'avait pas été de la mettre en garde mais de démolir, de semer les germes de la méfiance, de la peur, donc de la violence.
    Une fraction de seconde durant laquelle la jeune abbesse soupesa le pour et le contre. Un sentiment beaucoup plus redoutable remplaça son exaspération. Elle avait, depuis si longtemps, repoussé les limites de sa patience, de sa tolérance, au profit de cette femme haineuse que rien ne pouvait ramener dans le chemin de la clémence et de la compréhension. Agnès Ferrand ne lui en savait aucun gré. Au contraire, sans doute y avait-elle vu une démonstration supplémentaire de ce qu'elle tenait pour véridique : la bêtise, l'incurie de leur mère. D'un ton de rage calme, glaciale, Plaisance déclara :
    – Votre permanente acrimonie, votre fiel, votre jalousie sans motif me désolent, ma fille. Surtout, ils m'ont lassée et m'ennuient fort. Vous êtes une douloureuse épine au flanc de nombre d'entre nous. Depuis trop de temps. En conclusion, j'accepte avec empressement votre demande de transfert vers l'abbaye sœur de Clairmarais. Vous nous quitterez dès que l'état des chemins le permettra. Une missive de ma main vous précédera. Ce sera tout.
    Agnès Ferrand crut avoir mal entendu. Elle plissa les paupières, fronça les sourcils de stupéfaction.
    – Mais que… Je n'ai jamais sollicité de transfert, ma mère !
    – Vraiment ? Eh bien, disons que je devance votre souhait.
    Gagnée par l'affolement, la sœur portière supplia presque :
    – Ma place est ici, parmi vous… Je ne connais pas d'autre lieu.
    – Il est temps de réparer cette lacune. Les changements forment l'esprit, dit-on.
    Au bord des larmes, Agnès Ferrand bafouilla :
    – Je vous en conjure, ma mère… je ne veux pas quitter les

Weitere Kostenlose Bücher