Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
que l'cellier a pas connaissance de l'existence de c'te p'tite salle ni du soupirail.
    – T'es irremplaçable, mon gars, commenta Urdin d'un ton d'admiration.
    – J'sais ça, approuva Éloi avec le plus grand sérieux. Mais Sidonie m'a donné un sacré coup de main ! L'ennui, c'est qu'à mon avis, y a que Claire et nous qui pouvons nous faufiler par l'ouverture. Peut-être Évrard vu qu'il est maigre comme une brindille. Toi, compagnon, tu passeras pas les épaules. D'un autre côté, on est assurés qu'aucun grand viendra l'ennuyer. Si vous voulez bien me suivre, lança-t-il d'un ton pompeux, Sidonie et moi, on a tout arrangé.
    Éloi, Sidonie et Évrard passèrent en se contorsionnant. Urdin, qui tenait toujours Claire entre ses bras, ne tenta même pas l'expérience. Sa taille et sa carrure l'empêcheraient de passer, en dépit de ses efforts afin de se faire aussi petit que possible, quitte à s'arracher la peau du dos. S'il en fut fort marri, le soulagement que lui procurait l'idée que Claire serait proche de lui, en sécurité, atténua sa déception. Au fond, lui que l'on avait abandonné en forêt à deux ans pour qu'il y soit dévoré par ses semblables, les loups, lui qui s'était senti si peu humain durant toutes ces années, qui avait attisé la haine qu'il ressentait pour les glabres, les bien-formés, avait découvert la tendresse, l'amour et la reconnaissance grâce à son étrange et disparate famille de monstres. Ils étaient devenus sa vraie meute. Il n'était plus seul, exposé, il faisait partie de leur groupe. Les larmes aux yeux, il songea un bref instant qu'ils étaient probablement plus humains que nombre des bipèdes dont ils avaient croisé la route. En dépit de son esprit plus lent que celui d'Évrard ou même celui d'Éloi, il sut, sans hésitation, que la qualité d'humain ne s'hérite pas, elle se mérite. Ils l'avaient tous gagnée de haute lutte. Qu'il était précieux de craindre pour les autres, d'être prêt à les défendre jusqu'à la dernière goutte de son sang. Il protégerait Claire et les autres jusqu'au bout. Il était le plus fort et le plus féroce, s'il fallait en venir à cela. Claire… Elle soupira entre ses bras. Nul désir de chair, nul désir d'homme envers ce petit corps squelettique, si livide que l'on eût cru un minuscule et pathétique cadavre. Claire était son miracle, celui qu'il avait appelé de toutes ses forces, durant si longtemps. Dès qu'il avait posé les yeux sur elle, son cœur s'était retourné de douceur, d'amour. Elle avait caressé les longs poils soyeux qui couvraient son visage. L'avait-elle vu ? Il n'en était pas certain. Une épaisse couche opaque recouvrait déjà ses cornées. Elle avait ri avec tendresse en avouant :
    – Tu ressembles à un petit chiot qui m'a tenu compagnie. Il me protégeait, grondant comme un grand fauve courageux dès que le montreur me tirait du chariot. Ce monstre l'a tué à coups de bâton. J'ai entendu ses hurlements. J'ai hurlé moi aussi, afin de les couvrir. Il faisait plein jour. J'ai eu si peur de sortir dans la lumière. Je me suis détestée ensuite d'avoir redouté d'intervenir. Jure qu'ils ne te tueront pas. Jure !
    Il avait juré et lui avait léché les mains.
    – C'est mon père, tu sais ? Le montreur, c'est mon père. C'est comme ça que l'idée lui est venue… Ma difformité, ma monstruosité. Il y avait de l'argent à se faire. Je ne suis plus sa fille à ses yeux. Je ne suis qu'un monstre, un autre, un animal de foire.
    La voix d'Éloi le repêcha au très loin de sa mémoire.
    – Passe la princesse.
    Évrard cria :
    – C'est une vraie caverne de pirates que nos amis ont aménagée ! Digne d'une jolie princesse, en vérité. Un beau lit, couvert de coutes confortables, une escame, un petit dressoir 2 et même un mirouer 3 de dame, sans oublier une bassine et un broc pour la toilette !
    Urdin pouffa de bonheur et cria en retour :
    – Dis-moi, l'ami Éloi, comment t'as fait pour passer un lit et un dressoir par ce soupirail ? Tu nous en chantes de belles, des fariboles. T'as découvert l'autre entrée, n'est-ce pas ? Celle des souterrains.
    En bas, dans la salle dérobée, le nain haussa les épaules et bougonna :
    – C'est mon secret. Pour l'instant. J'le dirai quand l'envie m'prendra.
    Urdin s'agenouilla, tendant Claire comme un précieux et fragile trésor.
    – Aie pas peur. J'veille sur toi, toujours. Le nain me dira par où te rejoindre, même si je dois le

Weitere Kostenlose Bücher