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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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mince rouleau de papier scellé où elle avait relaté avec prudence, usant de formules peu compromettantes mais propres à éveiller la méfiance du comte, la conversation surprise entre monsieur de Villanova et ce Frédéric.
    Le messager s'inclina, sans toutefois accepter l'argent, à son grand regret.
    – C'est que, madame, en dépit de l'honneur qui aurait été mien de vous servir, le cheval passera pas et le cavalier non plus. Trop de neige, et de la fraîche. Avec le vent qu'on a eu ces deux nuits, y a des endroits où il va s'enfoncer jusqu'aux jambes. J'pourrai pas l'en dépêtrer. Avec toutes mes excuses, c'est trop risqué, madame. Jusqu'à ce que ça fonde, on est coupés du monde, j'en ai bien peur. Il y a que ce savant qui est, si vous me le permettez, assez fol pour être sorti quand même. C'est pas faute d'avoir tenté de l'en dissuader ! Mais y a rien eu à dire. Il était si agité et si décidé qu'il a bien fallu que je lui selle un cheval.
    Malgré l'angoisse qui commençait à l'assaillir et contre laquelle elle luttait avec vaillance, Alexia demanda d'une voix aussi neutre que possible :
    – Monsieur de Villanova est sorti ?
    – Dès l'aube. Si vous voulez mon sentiment, avec ce temps, c'est pas prudent pour un homme de son âge. Il devait avoir quelque affaire très importante à régler, poursuivit le messager d'un ton finaud.
    – Oh, les scientifiques… Nul ne sait au juste ce qui les préoccupe. Ils ont de bien étranges obsessions aux yeux du commun des mortels, répondit-elle avec légèreté, dans l'espoir de décourager la curiosité de l'homme.
    – Ça, c'est bien vrai !
    La panique tenta de se frayer un chemin en elle dès qu'elle fut ressortie. Que faire à présent, que tenter, que décider ? Aimery ne volerait pas à leur secours, du moins pas tant que la neige persisterait, empêchant de le prévenir. Elle froissa la missive dans sa main, s'interdisant les larmes. Elles étaient seules. Sans l'avoir encore pressenti, elles étaient toutes livrées à elles-mêmes alors qu'un danger d'épouvante se rapprochait d'elles. Un joli visage pâle, une voix grave, de belles mains capables s'imposèrent à son esprit. Hermione ! La sage, l'érudite Hermione de Gonvray saurait quoi faire. C'était une des rares en qui Alexia eut toute confiance. Hermione, l'intelligence, la force d'âme, la mesure. Elle fonça en direction de l'herbarium, prenant garde de ne pas glisser sur la neige maintenant tassée et traîtresse.
    Maîtrisant à grand-peine son impatience et offrant un sourire de complicité qui lui coûtait, Mary de Baskerville composa :
    – Certes pas, ma bonne. Je ne doute pas du soin que vous prenez de votre matériel. Toutes s'accordent à reconnaître, que dis-je, à vanter le travail soigneux, impeccable que vous réalisez.
    La grosse femme debout devant elle, poings fermés sur les hanches, la détailla avec méfiance. Une odeur d'amidon chauffé émanait d'elle. Son voile se cassait à angles droits sur ses épaules, incapable de retomber en plis mouvants tant il avait été raidi. Ses avant-bras étaient recouverts de demi-manches supplémentaires, retenues aux coudes et aux poignets par des cordelettes, cela afin de ne pas risquer de brûler sa robe d'un coup de fer impétueux. La sœur lingère faisait preuve d'une rare susceptibilité qui n'arrangeait pas l'humeur déjà chancelante de l'apothicaire.
    – N'empêche, ne venez-vous pas de suggérer que je perdais mes fers dans les endroits les plus incongrus ? L'abbatiale, quelle idée, vraiment ! s'offusqua la lingère.
    – Non pas. À l'évidence, j'ai mal formulé ma question, qui était la suivante : un fer à repasser a-t-il disparu de la lingerie ces derniers jours ?
    – Que nenni ! lança l'autre d'un ton outré. Figurez-vous que je les compte au soir avant de les enfermer tous dans un coffre muni d'un verrou dont je possède une clef, l'autre demeurant en la garde de notre bonne cellérière. (Vexée, elle poursuivit :) Je puis, bien sûr, les recompter devant vous, si vous doutez de mes dires.
    Mary de Baskerville soupira de déception. Elle hocha la tête en signe de dénégation et risqua une dernière question :
    – D'autres bâtiments possèdent-ils des fers, ma sœur ?
    Au regard courroucé de l'autre, elle comprit qu'elle venait de commettre une nouvelle bévue.
    – Et pour qu'en faire, vous prié-je ? siffla la grosse femme à l'odeur d'amidon chauffé. Il n'existe

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