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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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dire ?
    – Attendons notre mère. Nous procéderons ainsi qu'elle l'ordonne. Toutefois, l'indéniable sens de l'observation dont vous avez fait preuve, à ma plus grande surprise, un peu plus tôt lors du dîner, peut nous être utile.
    – Me prenez-vous véritablement pour une balourde de cervelle ? demanda Alexia d'un ton las, et quoique la réponse lui fût maintenant égale.
    – Je prends tout le monde pour des benêts, jusqu'à démonstration du contraire.
    – Il est parfois fort inintelligent et dangereux de mésestimer les gens, notamment ses ennemis.
    – Pas dans mon cas, puisque je prends également tout le monde pour de possibles malfaisants. En d'autres termes, je me méfie de chacun.
    – Voilà qui manque de charité, ne trouvez-vous pas ? rétorqua Alexia, au fond soulagée par cette conversation qui l'entraînait hors la chapelle Saint-Augustin.
    – Certes pas. La charité consiste à donner, à excuser, à pardonner, pas à s'aveugler. Selon moi, l'aveuglement est un blasphème. Dieu nous a offert la lucidité, l'intelligence. Refuser de s'en servir revient à L'insulter. (Soudain ragaillardie, elle conclut d'un ton enjoué :) D'autant qu'il s'agit du meilleur moyen pour se faire occire !
    – Vous traitez avec une déplaisante légèreté, que dis-je, une désinvolture déplacée, le décès d'une de vos sœurs. Rolande était un être de bienveillance. Sans doute avait-elle des imperfections mais je ne l'ai jamais prise en défaut d'âme ou de bonté.
    – Permettez-moi de rectifier : vous ne connaissiez ni Blanche, ni Rolande, pas plus que vous ne me connaissez. On ignore tant des autres, même de ceux que l'on côtoie jour après jour. Au demeurant, on passe le plus souvent à côté de soi-même.
    – Il s'agit d'une jonglerie de mots !
    – Non pas. C'est le fruit d'une longue expérience.
    – Je nous crois du même âge.
    – Nos muscles, notre peau, notre sang ont le même âge. Mes yeux et mon esprit sont millénaires.
    – Vous êtes d'une rare prétention, en plus du reste. Avec votre pardon, je préférerais que vous vous taisiez. Rolande est…
    Elles furent interrompues par l'entrée de Plaisance de Champlois. La mine défaite, frigorifiée au point que ses dents claquaient, l'abbesse avança d'un pas lourd. Alexia s'écarta afin de lui permettre de se réchauffer devant le feu. Mary de Baskerville la devança :
    – Madame de Nilanay a retrouvé notre sœur dépositaire. Assassinée.
    Plaisance ferma les yeux et se cramponna des deux mains au manteau de la cheminée. La jeune fille baissa le front, comme si elle cherchait ses mots très loin au-dedans d'elle. D'une voix rauque, paupières toujours closes, elle décida :
    – Qu'un serviteur laïc aille quérir à l'instant Hermione de Gonvray.
    Mary de Baskerville sortit aussitôt afin de héler au service.
    Un silence dévasté réunit Plaisance et Alexia. Un de ces silences durant lesquels on ne cherche pas même ses paroles parce qu'elles ne signifient plus rien qui vaille d'être énoncé.
    La nouvelle apothicaire réapparut. Butant sur les mots, l'abbesse avoua :
    – Je… Je vous remercie, ma fille, madame de Nilanay, de votre présence à mes côtés, de… votre appui. À ma grande honte, je me serais sentie effroyablement solitaire et déficiente sans vous.
    Mary de Baskerville sidéra Alexia de Nilanay en déclarant d'un ton ami :
    – Ma mère, votre humilité vous honore. Toutefois, votre honte est injustifiée. La véritable force ne se déclare pas. Elle se prouve dans les pires situations. Nous sommes fortes parce que nous puisons notre puissance, notre résistance dans le besoin qu'en ont les autres. Nous ne survivons pas sans les autres. Nous nous aplatissons à la manière de feuilles mortes, destinées à la prompte dissolution. Certes, nous rejoindrons nous aussi l'humus. Pas sans avoir lutté lorsque de nécessaire, cependant !
    Plaisance se redressa et les considéra tour à tour avant de confesser :
    – Eh bien, je me sens telle une fragile feuille morte. C'est… Ce sera horrible, n'est-ce pas ? demanda la jeune fille à Alexia.
    Celle-ci se contenta de répondre d'un hochement de tête. Mary intervint :
    – Madame de Nilanay souhaiterait être dispensée de revoir cette ignominie.
    – Je puis le comprendre…, commença l'abbesse avant d'être interrompue par Alexia.
    – Je… je ne peux me dérober de la sorte. Ce serait indigne. Rolande m'avait offert son

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