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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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de leur ennemi étaient donc bien limités, contrairement à ce que ses frères de combat et lui-même avaient tant redouté. À la lumière des témoignages qu'ils avaient récoltés depuis des années, Arnoldus de Villanova avait cru avoir affaire à un ange déchu, d'une implacable puissance, d'une force et d'une intelligence phénoménales. Cependant, tout ceci était si monstrueusement humain, banal.
    Un ineffable soulagement. L'épaisse fatigue qui alourdissait les membres de monsieur de Villanova s'évanouit. Il lui sembla que la vie circulait avec davantage de puissance dans ses veines. Le secret se trouvait ici, il n'en avait plus nul doute.
    Il baissa la flamme du flambeau et étudia le sol. Un index avait roulé non loin de l'écuelle qui avait contenu le dernier repas de l'enlumineur. En dépit de ses recherches, il ne trouva pas le majeur, et songea qu'il était peut-être coincé sous le gros corps. Un détail qu'il avait négligé plus tôt l'intrigua : les bras de frère Henri levés au-dessus de sa tête, mains entravées, comme s'il avait été pendu par les poignets. Il les souleva par le lien de cuir qui les ligotait. Dans la terre imbibée de sang étaient tracées à l'envers deux lettres malhabiles : B M, suivies d'un jambage incliné. Frère Henri, malgré les intenables douleurs de l'agonie, s'était lui aussi vengé de son assassin en abandonnant un message, sans doute incomplet. La phrase hargneuse jetée par le vieux moine lors de leur rencontre résonna dans son esprit : « Il ignore ce que j'ai appris. Sans moi, sans mes découvertes, il… » Henri avait passé sa vie dans les livres. Il s'agissait à n'en point douter des initiales d'un titre ou d'un nom d'auteur.
    Père Jacques redoutait des complicités internes. Et si… Et si elles profitaient de ce répit pour subtiliser l'ouvrage, le détruire ?
    Arnoldus de Villanova se précipita dans le couloir, dépassa le moinillon qui semblait n'avoir pas bougé d'un pouce, et gravit les marches de pierre quatre à quatre.
    Père Jacques l'attendait. D'une voix pressée, il informa le médecin :
    – Ils étaient deux. L'un à pied et l'autre qui avait attaché son cheval à quelques dizaines de toises de l'enceinte. Je vous avoue mon menu soulagement. Ils ont grimpé au mur, signifiant probablement qu'ils ne jouissaient pas de complicité chez nous, sans quoi on leur eût ouvert la porterie Mineure, qui n'est plus surveillée.
    Arnoldus remercia Dieu. Nul en l'abbaye ne leur prêtait main-forte. Nul ne volerait les indications menant à la croix de Béziers. L'autre information que venait de lui confier le père Jacques s'imposa alors à son esprit : deux ! Ainsi, leur ennemi avait eu besoin d'un acolyte pour mener ses sombres œuvres à bien ! N'importe quel démon mineur s'en serait sorti seul. Le médecin s'en voulut de la peur que lui avait souvent inspirée celui qu'il poursuivait depuis si longtemps. Il chassait un homme, rien d'autre.
    Il narra ses découvertes à l'abbé avant de requérir de lui l'aide d'un moine lettré afin de passer en revue les centaines d'ouvrages protégés dans la bibliothèque ou dans le scriptorium.
    – Nous sommes hommes d'ordre, messire, rectifia Jacques de Liège. Peu après ma nomination au rang d'abbé, j'ai fait réaliser un catalogue recensant tous nos ouvrages, cela afin d'éviter de dispendieux achats en double et, je l'admets, d'ôter toute envie à… des amateurs acharnés, dirons-nous, de subtiliser les manuscrits précieux pour les conserver par-devers eux…
    – Ou pour les négocier fort cher à l'extérieur, ajouta monsieur de Villanova.
    – En effet, soupira l'abbé. Le cas s'est déjà produit. D'aucuns seigneurs ou gros bourgeois, fiers de leur bibliothèque, sont si désireux de posséder des exemplaires uniques qu'ils n'hésitent pas à mettre la main à la bourse. Certains moines sont tentés de subtiliser des ouvrages afin de les leur vendre.
    – Il n'en demeure pas moins que votre rigueur me simplifiera considérablement la tâche. Tous les titres possédés par l'abbaye sont-ils répertoriés dans ce catalogue ?
    – En effet. Une note les suit qui indique s'ils se trouvent sur les étagères de la bibliothèque, au scriptorium pour copie ou réparation, ou encore s'ils ont été prêtés de façon permanente aux cuisines, pour les viandiers 6 , par exemple, ou à l'herbarium pour les ouvrages traitant de simples.
    1 Tunique.
    2 Vêtement porté sur le

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