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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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si j'en crois les descriptions que l'on m'en a faites.
    Revigorée par ce soutien inattendu, Agnès se lança :
    – Si fait ! C'était… Dieu juge son âme, une punaise ! Cependant, quelles mines charmeuses, quelles attentions, quelle douceur de ton ! J'avoue qu'elle savait s'y prendre, et que j'ai bien failli tomber dans son piège et ses mièvreries, comme tant d'autres. Je vous le dis, en vérité : cette fille cachait quelque chose. J'ignore quoi au juste. Néanmoins, je ne serais pas surprise qu'une bien vilaine révélation ne ternisse son « tempérament angélique », ainsi que vous l'avez formulé.
    Mary tenta de l'encourager dans les confidences. Il apparut vite qu'Agnès Ferrand n'en savait guère plus. L'apothicaire se demanda si les pesteries de la portière avaient quelque réalité ou si elles n'étaient inspirées que par la pure méchanceté. Comme elle allait prendre congé, un peu dépitée, Agnès lança :
    – Un détail qui pourrait se révéler important et vous aider. Un nom, celui d'une autre novice qui n'a pas les yeux dans sa poche, et savait ce qui se cachait derrière le mignon masque de cette Cerfaux. Il s'agit d'Henriette Masson. Elle s'est confiée à Adélaïde Baudet, la sœur cherche, une de mes rares, très rares amies en ce lieu. De façon bien vague toutefois, par crainte de représailles, sans doute. Madame Baudet n'a pu obtenir de la jeune fille qu'une mise en garde contre Blanche. Cependant, cela lui a suffi pour tenir « l'angélique » à l'œil. Adélaïde est à notre exemple : on ne la roule pas dans la farine avec aisance. Un conseil, ne vous laissez pas leurrer par les airs de lourdeur de cette petite Henriette. Elle a l'esprit fort vif à ce que m'a dit Adélaïde.
    Mary de Baskerville se confondit en remerciements et en flagorneries, réjouie par sa duplicité.
    Lorsque Mary pénétra dans la grande salle commune du noviciat, et qu'une toute jeune fille aux mains si rougies de froid qu'on les aurait crues écorchées se releva et abandonna sa brosse et son seau pour se porter à sa rencontre, une sorte d'accablement engourdit madame de Baskerville. Elle fixa, presque hypnotisée, les doigts à vif de la gamine. On salait l'eau afin de l'empêcher de geler. Le souvenir de la brûlure du sel qui vous rongeait la peau. Le contact de l'eau glacée dont la morsure vous remontait jusque dans les épaules. Le froid, les incessantes privations. La peur, aussi. L'envie de dormir enfin pour ne plus se réveiller. Jamais. Mais la vie s'accroche si fort en certains d'entre nous qu'elle ne veut plus lâcher prise. Mary de Baskerville avait compris qu'elle était de cette sorte-là.
    La jeune fille déclara d'un ton timide :
    – Je vais quérir sœur Suzanne, notre maîtresse de noviciat, madame.
    Mary acquiesça d'un signe de tête. La seule chose qu'elle trouva à répondre fut :
    – Rincez-vous souvent les mains à l'eau claire. Le sel ronge.
    Interloquée, l'autre se plia en révérence et disparut.
    La femme entre deux âges qui rejoignit bientôt madame de Baskerville fit montre de réticences courtoises. Henriette était une belle recrue, toutefois effacée, impressionnable, sensible à l'extrême.
    – Je souhaite juste bavarder en amitié avec elle. Rien qui puisse l'inquiéter. Je sollicite de vous la permission d'une promenade au-dehors en sa compagnie.
    Suzanne Landais, la maîtresse de noviciat, accepta à regret, semblait-il. Étrangement, Mary de Baskerville lui fut reconnaissante de ses précautions de mère poule qui l'eussent agacée venant d'une autre.
    Isabeau. Ma mère. J'espère que tu as crevé comme tu le méritais. J'ai prié tous les jours de ma vie afin qu'il en soit ainsi. Pourtant, c'est à toi que je dois une bonne part de ce que je suis devenue, même si, parfois, je me fais peur à moi-même.
    – Madame ? murmura une petite voix, repêchant l'apothicaire dans sa douloureuse mémoire.
    Le regard bleu myosotis retrouva sa netteté. Henriette Masson devait avoir quinze ou seize ans, guère plus. De petite taille, toute ronde, elle avait gardé les joues roses et renflées de l'enfance.
    – Vous m'avez fait mander, poursuivit la jeune fille, en se pliant en révérence.
    – En effet, ma chère, répondit Mary. Votre aimable maîtresse nous autorise à flâner un peu au-dehors. Il fait très froid mais bien sec.
    – Oh, je ne crains pas l'hiver, affirma Henriette d'une voix qu'elle tentait, sans grand succès, de rendre

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