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La dame de Montsalvy

La dame de Montsalvy

Titel: La dame de Montsalvy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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m'ouvre ces maudites portes...
    — ... Ou que l'on vous tue ! Votre époux, comme bien des hommes, a la rancune d'autant plus tenace qu'il est, lui, dans son tort et qu'il déborde de mauvaise foi. Je vous avoue, dame Catherine, que je regrette de plus en plus de l'avoir soigné quand il a été blessé sous Châteauvillain. J'aurais dû le laisser crever !...
    — Non !...
    Elle avait crié l'instinctive protestation. L'amour qu'elle conservait, envers et contre tout et en dépit d'elle-même, à cet homme la lui avait soufflée. Mais elle reprit plus bas :
    — Non... je n'aurais pas pu le supporter. J'en serais morte, je crois.
    — Allons donc ! Vous auriez souffert, oui, mais vous auriez survécu en pensant à vos enfants. Et à cette heure vous seriez auprès d'eux... et depuis longtemps, ensevelie sous des voiles de deuil jusqu'aux talons peut-être et peut-être même jusqu'à la fin de vos jours mais vous auriez le cœur en paix et vous prépareriez calmement l'avenir de votre fils tout en priant pour l'âme de votre cher défunt.
    Vous pourriez alors le parer tout à votre aise des qualités qu'il n'a jamais eues car cela devient toujours miraculeusement angélique, un mort !...
    Elle ne répondit pas. La colère de Gauthier soufflait une vérité qu'elle se refusait encore à accepter. Curieusement elle rappelait à son esprit le souvenir assoupi de Gauthier le Normand, le sauvage bûcheron qui adorait les dieux barbares et qui l'avait aimée de si grand amour. Celui-là dormait au fond de son cœur sans y faire plus de bruit qu'autrefois car c'était un silencieux mais Catherine savait bien que sa colère à lui eût été plus violente encore et beaucoup plus redoutable que celle de son jeune homonyme. Servi par sa force herculéenne décuplée par les fureurs sacrées qui s'emparaient de lui parfois, il eût été capable, peut-être, d'enfoncer à lui seul ces portes qu'on lui refusait et de s'en aller au fond de son château arracher Arnaud pour revenir le jeter à moitié mort, sinon tout à fait, dans la poussière aux pieds de Catherine... Mais Gauthier le Viking n'était plus là. Son corps s'en était allé en fumée sur l'eau bleue de la Méditerranée et son âme d'enfant avait repris la grande route des cygnes et des oies sauvages...
    — Les regrets ne servent à rien, Gauthier, mur- mura-t-elle enfin...
    ni la colère. Si je ne reste ici, je ne saurais où aller.

    Bérenger étalé les bras en croix dans le foin sortit alors de son mutisme.
    Chez nous ! dit-il... à Roquemaurel ! Ma mère et les frères seront trop heureux de vous recevoir, dame Catherine, et vous auriez dû y penser tout de suite !
    Elle trouva pour lui un sourire. C'est vrai, elle n'y avait pas pensé...
    mais aurait-elle pu penser, il y avait seulement une heure, que Montsalvy tout entier se fermerait devant elle ?
    — Croyez-vous ?... Mon enfant, vous avez pu voir tout à l'heure comme les choses peuvent changer, les choses et les gens.
    Il se redressa instantanément, tout fumant d'indignation avec des brindilles de foin plantées dans ses cheveux bruns.
    — Ne faites pas semblant de douter, dame Catherine ! Vous le savez parfaitement. Alors, si vous en êtes d'accord, demain matin nous rentrerons à la maison.
    — C'est loin Roquemaurel ? demanda Gauthier.
    — Quatre ou cinq lieues... On y sera vite. Mais est-ce qu'il n'y a rien à manger ? J'ai faim...
    Sans oser le dire, le page regrettait aussi les derniers événements parce qu'ils avaient fait disparaître de son horizon le bon souper qu'il eût trouvé à Montsalvy où dame Sara s'entendait si bien à houspiller, dans la vaste cuisine, marmitons et servantes...
    Heureusement, le frère hôtelier de Saint-Géraud avait remis à Gauthier quelques provisions de route : un morceau de jambon séché, du pain de seigle et, pour Catherine, un petit panier de cerises que d'ailleurs on avait mangées en route avec délices. Restaient le jambon et le pain que les deux garçons attaquèrent avec ardeur et dont Catherine dut prendre sa part sous peine de voir ses jeunes compagnons jeûner.
    — C'est surtout quand on a de la peine qu'on doit manger, lui dit Gauthier. L'estomac vide c'est aussi la tête vide.
    Puis on s'installa dans le foin pour dormir ou pour attendre.
    Il n'était pas loin de minuit quand un pas précautionneux se fit entendre au-dehors. La porte s'ouvrit en grinçant un peu pour livrer passage à une forme épaisse et noire puis un rayon de lumière

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