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La Dernière Bagnarde

La Dernière Bagnarde

Titel: La Dernière Bagnarde Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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embarquer avec le
journaliste, repartir
en France. Et une vague la
subme r gea Oubliant
son âge et son état, elle se mit à
crier ,
elle lui
hurla de l'emmener. C'était si simple, il su f fisait
de monter à bord.
Un bref instant elle fut
tellement sûre de
revoir la France qu'elle essaya de courir vers le n a vire.
Mais ses énormes jambes défo r mées
ne répondirent pas, et elle tomba lourdement au sol.
A l bert
Londres ne l 'entendit
pas, il était trop loin. Elle le vit serrer des mains puis
monter à bord, et
elle le regarda s'éloigner, i m puissante.
    Quand
le navire ne fut plus qu'un point à l'horizon, elle se releva
difficilement en s'accrochant tant bien que mal à une branche
basse d'un eucalyptus, et elle repartit jusqu 'à son
ca r bet.
Elle ne pleura pas, ne s'attarda pas. Depuis bien lon g temps,
bien avant la visite d'Albert Londres, la vie de Marie était
ai l leurs.
Dans son imaginaire et dans sa mémoire où une
interrogation la tenait en éveil et ne s'effaçait pas.
Comment le petit bouton de nacre de son chemisier s'était-il
r e trouvé
des années après à des
milliers de k i lomètres
par-delà les océans, de la terre de France à celle
de Guyane dans la poche de ce jeune médecin de la coloniale ?
Dans les heures interminables des nuits de Saint-Laurent-du-Maroni,
quand son corps martyrisé la torturait, Marie r e pensait à ce
mystère et une paix l'e n vahissait,
la ramenant sur la terre de France. Elle marchait à Bordeaux
sur le cours de l'Intendance, gr a cieuse
dans le ch e misier
fleuri, et un jeune homme qui ressemblait à ce jeune médecin
disparu s'avançait vers elle en souriant.
    Les
eaux bleues de la Garonne couraient sous un ciel clair, et le chant
des marins qui déchargeaient les sacs de coton sur les quais
de pierre blanche emplissait la ville de Bordeaux d'une bouleversante
gaieté.

Épilogue

    Le
récit d'Albert Londres parut en 1923 dans Le
Petit Parisien . L'impact
fut immense. Mais pour que la France prenne la décision de
fermer définitivement les portes du bagne de Cayenne, il
fallut a t tendre
1938, et 1946 pour qu'elle soit e f fective.
    Contrairement
à l'histoire du bagne des hommes, sujet qui donna lieu à
de nombreux récits et témoignages dont certains
connurent un succès mondial, l'histoire des bagnardes et de
leur terrible calvaire fut complètement oubliée. On ne
connaît aucun témoignage personnel écrit d'aucune
de ces femmes, la plupart étant totalement ille t trées.
    Malgré
les échos catastrophiques qui, dès 1888, arrivèrent
en France, aucun responsable politique ne prit la décision
d'arrêter la m a chine
de mort. Bien au contraire, il y eut d'autres convois de femmes,
d'autres mariages sous le kiosque, d'autres mortes et disparues. Au
t o tal,
près de deux mille femmes furent envoyées au bagne. Il
fallut a t tendre
le 19 juillet 1907 pour que soit voté l'arrêt définitif
de l'envoi des convois fém i nins
en Guyane, le dernier eut lieu en 1904.
Mais aucune de
celles qui étaient encore vivantes à ce moment-là
n'avait les moyens de payer un billet de retour. Marie Bartête
fût de celles-là. Elle était toujours en vie en
1923 quand Albert Londres la renco n tra,
mais on ne connaît pas la date de sa mort. Ce dont on est sûr
c'est qu elle n'a jamais pu revoir la France Elle fut la de r nière
bagnarde.
    Paris,3
fèvrier2011.

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