La dernière nuit de Claude François
Jean-Louis Burgat et Patrick Lecocq finissent par présenter un flash, le premier sur TF1, le second sur Antenne 2, entre 16 h 30 et 17 heures. Mais personne n’improvise d’émission spéciale. Au contraire, les téléspectateurs vont être témoins d’une scène improbable.
Chaque samedi après-midi, Guy Lux présente en direct « sur la deux », comme on dit alors, « Loto chansons », une émission alternant variétés et divertissements en tout genre. Son retour sur le plateau, après la séquence d’information, semble erratique : la caméra est obligée d’aller le chercher dans le coin droit du décor, filmant au passage d’autres caméras, dont le viseur est penché vers le sol, comme si elles étaient en berne.
Enfin, il apparaît entouré de Pierre Perret, son invité du jour, mais aussi de Michel Drucker et Sylvie Vartan, qui devait participer aux mêmes « Rendez-vous du dimanche ». Rémy Grumbach a refusé de les rejoindre, incapable d’ajouter des mots à sa peine.
Guy Lux : Je voudrais vous demander de nous excuser, il n’y aura aucune autre chanson dans ce rendez-vous habituellement gai. Une chose horrible vient de se passer : notre ami Claude François est mort. Nous sommes sans voix, complètement perdus. J’ai à côté de moi Michel Drucker, ainsi que Sylvie Vartan et Pierre Perret. Nos amis les Carpentier qui travaillaient sur un autre plateau n’ont pas voulu venir, il n’y a plus de première ou deuxième chaîne, nous sommes tous réunis, la grande famille des variétés, frappés de stupeur par un accident bête. Comme me disait Maritie Carpentier : un accident de voiture, c’est presque moins bête que de s’électrocuter dans sa salle de bains. Enfin, bref…
Michel Drucker : Je voudrais m’adresser à une femme que vous connaissez tous, la maman de Claude, pour lui dire que nous partageons son chagrin. Nous devions l’avoir dans l’émission diffusée demain. Son état-major était déjà là, il nous avait téléphoné pour nous dire qu’il serait en retard. Demain, nous consacrerons notre émission à Claude…
Guy Lux : Moi aussi, je le ferai la semaine prochaine, mais, pour nous, il a n’y plus moyen de faire cet après-midi la moindre émission de variétés. Vous voyez, les caméras sont même baissées…
Pierre Perret : Personnellement, je devais encore interpréter quelques chansons. Si tu n’y vois pas d’inconvénient, Guy, je préfère revenir une autre fois. Aujourd’hui, je ne peux pas.
Guy Lux : Tout ce que nous ajouterions serait parfaitement inutile, il nous manquera quelqu’un désormais. Nous ne sommes pas préparés à ce genre de coup. On n’attendait pas cela. Bon… ben… voilà… nous rendons l’antenne.
À la régie finale, on s’est débrouillé pour trouver à brûle-pourpoint un programme de remplacement. Une sorte d’interlude avant l’émission suivante.
Dans une France qui vit dans l’incertitude d’une élection pouvant permettre à la gauche de l’emporter sous une présidence de droite, ce qui ouvrirait la voix à ce que personne n’appelle une cohabitation tant le principe même en paraît irréalisable, la mort de Claude François ajoute à la confusion.
Le pays semble en plein chaos.
À 20 heures, le président de la République s’exprime en direct depuis l’Élysée et indique « le bon choix ».
Mais à 20 h 08, après son allocution, le journal de Patrick Lecocq s’ouvre sur la mort du chanteur…
[…] L’actualité décidément n’est qu’une succession d’événements, de surprises, de chocs. Ainsi ce journal aurait dû commencer par ce grand problème qui enfièvre la France depuis six mois, je veux parler des élections, mais à 16h 10, une dépêche nous est parvenue : Claude François…
Ce samedi, les deux fils de Claude François, Coco et Marc, avaient foot. Isabelle était allée les chercher : ils étaient encore en tenue de sport quand ils avaient pris la route pour Marseille afin de rendre visite à son frère.
Ce dernier les attendait sur la terrasse, la mine décomposée.
— Viens, j’ai quelque chose à te dire.
Isabelle et son frère s’étaient mis à l’écart.
— Claude est mort.
Elle s’était effondrée sur le canapé.
— Il ne faut rien dire aux enfants.
Plus le temps passait, plus Claude souffrait de l’absence de ses deux fils, même s’ils
venaient régulièrement à Dannemois passer le week-end ou quelques jours de
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