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La dottoressa

La dottoressa

Titel: La dottoressa Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Graham Greene
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conduite à leur maison. On
y arrivait par la Marina Grande. Adorable, la maison, avec sa grande terrasse. Ce
qui fait que j’ai dit à Alfi : « Quelle merveille ça va être, tu vas
voir, tout ça va s’arranger. »
    Tout à coup le gentil Gigi disparaît pendant que Ritzenfeld
explique : « Une petite minute, le temps de faire un saut jusqu’à la
Chiesa Nuova, juste au-dessus d’ici, pour prendre son violon, il va revenir et
alors on vous jouera quelque chose de très joli ; en attendant, je vais
chercher une corde, comme ça on pourra sauter à la corde sur la terrasse. »
Ce qu’on a fait. Je revois encore la nuit tomber, comme si j’y étais ; et
après ça, est venu le concerto de piano qu’ils m’ont joué, du Bach je crois
bien, sans en être exactement sûre, un concerto en tout cas, qu’ils m’ont joué,
oui, avec de très jolies bougies sur le piano, parce qu’il n’y avait pas d’électricité.
    Le soir est descendu. Et ils ont dit : « Allez, on
saute encore à la corde ! » Mais Alfi a dit : « Ça ne rime
à rien, il fait déjà noir sur la terrasse », et il a dit aussi qu’il était
fatigué, d’autant que le lendemain il voulait aller à Capri : « Tant
qu’à faire d’être ici, j’ai envie de voir Capri, pourquoi pas ? »
Bref il nous a plantés là pour aller se coucher. Seulement, moi je suis restée
avec le gentil Gigi, et voilà, ce fut la première nuit de mon amour. Le coup de
foudre. Un vrai coup de foudre. Le premier grand amour.
    Il était très brun, et grand. Tout le monde disait qu’il
dépassait de loin les autres en beauté, qu’il était mieux que Rudolph Valentino
et tous les acteurs dont on raffolait. Et tout jeune, pas plus de dix-huit ans,
quand j’en avais déjà vingt-quatre. C’était la plus merveilleuse des choses. Quand
on est jeune, on s’attend à toutes sortes de merveilles, mais moi aujourd’hui, parvenue
à l’âge où je suis, je peux vous dire qu’on les compte sur les doigts, les
miracles d’une vie.
    Mais enfin tout cela a fait que, le matin, j’ai dit à Alfi :
« Eh bien, vas-y à Capri, va le voir ton Capri ! Moi, je reste ici
les deux jours qui viennent. »
    Frieda Abeles, elle, n’a rien dit. Elle avait l’autre –
Ritzenfeld. Elle aimait bien Gigi, mais lui, il ne pouvait pas la sentir. Ça
non !
    Pas plus tard que l’autre jour, mon ami le docteur Beck me
disait encore : « Il faut que je vous raconte quelque chose. À l’époque
où Alfred Ritzenfeld et Gigi se trouvaient à Florence, comme ils avaient d’assez
gros ennuis d’argent, Alfred un jour dit : « Je crois que je
vais faire un saut à Rome ; sait-on jamais, j’y trouverai peut-être une
occasion », et il est donc parti pour Rome et là, au Piccolo Homo, qui
était un restaurant, il est tombé sur Frieda Abeles, et peu de temps après il
est arrivé un télégramme pour Gigi, à Florence, qui disait, « Trouvé juive,
viens… » C’est pour ça qu’elle vivait avec eux deux, comprenez-vous, dans
cette villa de Positano. Je devrais lui être reconnaissante, à Frieda. Hé oui, c’est
la vérité. C’est elle qui m’a déniché d’abord Max Adler, et ensuite Gigi. »
    Donc, j’étais là, mais je ne pouvais rester que deux jours
puisque je devais poursuivre notre voyage, avec Alfi. Seulement, Gigi, sur le
moment, il n’a pas compris que ce qu’il y avait entre Alfi et moi c’était
seulement de l’amitié. Ce que j’en dis là, c’est la pure vérité, oui.
    C’était comme ça depuis le début : les cours de
zoologie, les excursions dans la forêt viennoise et ensuite, l’après-midi, l’institut
des langues orientales pour nous préparer ensemble à l’arabe, puisque nous
pensions qu’une fois à Tunis et en Tunisie le moins serait que nous puissions
parler un tout petit peu la langue. Autrement dit, vous voyez bien que nos
rapports étaient entièrement scientifiques et platoniques. Et je doute qu’Alfi
se soit jamais rendu compte qu’avec Gigi j’avais reçu le coup de foudre, que c’était
devenu une vraie histoire d’amour. Non, ça il n’en avait pas la moindre idée.
    Nous sommes partis pour Tunis. Les premiers jours là-bas ont
été très agréables, ce qui ne nous empêchait pas de dire déjà : « Non,
Tunis tout seul ce n’est rien, on ne va pas rester ici », de sorte que
nous avons pris le train pour Tabarka. Tabarka, c’est un endroit sur la
Méditerranée et la côte tunisienne

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