Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La dottoressa

La dottoressa

Titel: La dottoressa Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Graham Greene
Vom Netzwerk:
temps-là un train direct qui a
disparu depuis, de Vienne à la Sicile par Salerne. Aujourd’hui, on passe le
temps à changer, à moins qu’on ne prenne je ne sais quel rapide di gran’
lusso bien trop aristokratisch pour moi. Bref, de Vienne nous sommes
allés jusqu’à Salerne, et là nous sommes descendus parce qu’à Positano se
trouvait cette camarade de classe dont j’ai déjà parlé : Frieda Abeles. Sauf
que j’ai oublié de raconter qu’un jour au lycée, de rage, je l’avais traînée
par ses tresses à travers la classe. On me menaça de renvoi, tellement ça
crevait les yeux, voyez-vous, que c’était de la cruauté pure de ma part. Mais
il fallait voir l’impudence de cette fille, et l’espèce de toupet avec lequel
elle avait réponse à tout ce que je disais… une manière effrontée et blessante
de répliquer qui m’exaspérait, ce qui a fait que je l’ai empoignée par ses deux
nattes, et vous auriez dû entendre les hurlements, sans compter les autres qui
glapissaient aussi et le professeur qui est arrivé et qui m’a menée de force
chez la directrice. Et ensuite on m’a déclaré que si ça se reproduisait, ce
serait la mise à la porte. On a exigé des excuses, et je les ai faites, mais
pourquoi des excuses ? On se le demande. Après tout, Frieda était mon amie,
mais n’empêche, elle a toujours été insupportable au possible ! Tout de
même je l’aimais bien. Bien trop. Il m’arrivait d’être jalouse d’elle si elle
passait beaucoup plus de temps avec d’autres que moi. Peut-être était-ce au
fond un certain sentiment de rivalité qui me faisait réagir de la sorte, je
pense. Elle avait été à Florence, cette bonne Frieda Abeles, et elle y avait
fait la connaissance d’un dénommé Ritzenfeld, Herr Doktor Ritzenfeld, qui
étudiait l’archéologie, ainsi que d’un artiste, un certain Gigi Moor.
RENCONTRE AVEC GIGI MOOR
    Gigi était fils du directeur des chemins de fer de l’État à
Bâle, et peintre. En peinture il était encore très jeune. Il n’avait que
dix-huit ans. Il s’était sauvé de chez ses parents et il avait fait équipe avec
cet Alfred Ritzenfeld, parce qu’ils venaient tous deux de la même ville, seulement
comme je suppose que sa famille ne lui assurait pas de quoi vivre, il devait
donner des leçons de violon à Florence. Tous les deux avaient fait ami avec ma
petite amie Frieda Abeles, et le trio était parti au grand complet de Florence
et descendu jusqu’à Positano. De nos jours, Positano est beaucoup trop connu, comme Capri ou la Riviera ; mais à l’époque ce n’était qu’un village
de pêcheurs. Parvenus là, ils avaient loué une maison avec une magnifique
terrasse et un piano, et ils y donnaient des concerts. Ritzenfeld était bon
pianiste, et Gigi, lui, jouait de son violon.
    Gigi était un beau garçon. À Positano, on l’avait baptisé Gigi
’o bello. Très beau, oui, et tout jeune : dix-huit ans.
    Donc ils se trouvaient là, et quant à Frieda, elle m’avait
écrit à Vienne pour me dire : « Si vraiment tu veux aller en Tunisie,
pourquoi ne t’arrêtes-tu pas en passant, puisque nous avons cette maison, viens
nous faire une visite. » Et, bon, je suis descendue de train à Salerne, accompagnée
de mon ami – de cet Alfons Gabriel – et nous avons pris le vapeur
jusqu’à Positano.
    On ne peut pas débarquer à Positano même ; il faut se
procurer une barque à rames qui vient se ranger contre le vapeur. Et dans cette
barque qui y avait-il, naturellement ? Gigi. Très grand, tout bronzé, vêtu
seulement d’une petite culotte de bains, il aidait les arrivants à descendre du
bateau dans la barque ; puis il s’est présenté en annonçant qu’il venait
de la part de Frieda Abeles : « Il ne vous reste plus qu’à me suivre,
vous êtes attendue. » Là-dessus, je lui ai présenté mon ami, Alfons
Gabriel. « Bon, dans ce cas vous venez tous les deux avec nous », et
à son tour il m’a présenté Ritzenfeld, puis il a dit : « On ne va pas
s’attarder sur cette plage ; on va sur l’autre, celle de Pornillo ; c’est
bien plus agréable là-bas. »
    C’était le temps où les jeunes se baignaient tout nus à
Positano. Les jeunes hommes, c’est-à-dire. Pas les femmes ; au contraire
elles portaient des tas de vêtements. Mais les hommes, surtout les jeunes
hommes, les tout jeunes gens, se baignaient nus, et pour ça la plage de
Pornillo était beaucoup plus intime. Ensuite ils m’ont

Weitere Kostenlose Bücher