La dottoressa
je m’en irais ? Est-ce que je ne voulais pas venir faire un
tour avec lui dans les buissons ?…
Il m’aurait bien culbutée, ce vilain petit morveux de douze
ans ! Total : je l’ai calotté un bon coup. On les rase entièrement, vous
savez, à part une boucle, et pour les jeunes elle est attachée avec un ruban –
un ruban bleu. Oui, je l’ai calotté à cause de ces buissons où il aurait bien
voulu m’entraîner. Je vous laisse à penser comme Baudisch a pu rire. Il a dit :
« Quel front, ce gosse ! »
Mais qu’est-ce que je dis là ? Dans l’île, ce n’était
pas encore Baudisch, non, c’était Alfi. Baudisch, Alfi, Gigi… que d’hommes !
C’est fou, on s’y perd. Sans compter ce gamin. Quoi ?… vous dites qu’un
jour je vous ai raconté que je l’avais vraiment suivi dans les buissons ? Vous
avez peut-être raison. J’oublie. C’est possible, oui, mais pas plus d’une fois.
Et il était si jeune que ça ne pouvait compter que pour du beurre, vous ne
croyez pas ? Quant à Alfi, il a piqué une de ces rages à cause de ce gamin !
Jamais Baudisch ne se serait mis dans cet état, à sa place. C’est qu’Alfi, lui,
il avait avalé sa canne – pensez donc : un scientifique ! Fils d’officier !
Seigneur Dieu, on ne pouvait plus correct !
Le seul autre souvenir que je garde de Gafsa, c’est une peur
effroyable que j’ai eue à l’hôtel : le drap et le rebord de la fenêtre
grouillaient de scorpions jaunes qui galopaient de tous les côtés. Comme jamais
je n’aurais imaginé ! Et ce n’était rien à côté de ma terreur quand, étant
sortis tous les deux pour aller prendre un café, on nous a amené un gosse de la
maison d’en face, un petit enfant de deux ans environ qui venait juste d’être
piqué par un scorpion – et le tout par une de ces chaleurs, par-dessus le
marché ! En plein mois d’août. Je ne pouvais rien pour cet enfant. C’était
contraire à la loi. J’ai crié de toutes mes forces : « Allez chercher
un docteur ! » C’est moi qui leur ai dit d’y aller. Et ils en ont
ramené un, de docteur. Le lendemain, on m’a dit qu’il avait déclaré que l’enfant
avait le derrière beaucoup trop petit pour une aussi grosse morsure de scorpion.
À l’époque, on n’avait pas encore l’habitude d’administrer tous ces sérums
contre les serpents venimeux et le reste. On était loin d’être aussi avancé qu’aujourd’hui…
Et puis les fontaines de Nefta !… Je les vois encore… énormes,
et si belles ! Naturellement, nous sautions dedans, et quelle fraîcheur !
Et aussi, le soir venu, on nous a conseillé de faire comme tous les Bédouins, de
sortir de Nefta et d’aller loin, jusqu’à une de ces sources chaudes comme on en
trouve dans le désert. Nous sommes donc montés dans une carriole, une sorte d’omnibus
tiré par un cheval et tout petit, primitif, où nous nous sommes retrouvés avec
dix ou douze hommes, rien que des Bédouins, et nous voilà partis dans le désert
aux alentours du soir. Et juste comme la nuit tombait, nous sommes arrivés à la
fameuse source chaude. Il y avait deux grands bassins où se baigner, deux
fontaines, dont une tout à fait gigantesque et l’autre vraiment petite, et dans
la seconde on distinguait des formes tout emmitouflées – c’étaient les
femmes qui se baignaient là, mais entièrement habillées. Oui, oui, sans ôter un
fil elles entraient tout bonnement dans l’eau, telles quelles. Il faisait une
de ces chaleurs ! Mais nous, Baudisch et moi, nous avions le droit de nous
déshabiller ; oui, nous avons eu droit à une séparation. Il y en avait une,
derrière laquelle on pouvait se mettre pour se dévêtir ; après quoi rien
ne nous empêchait d’entrer dans le bassin réservé aux hommes – c’est du
moins ce qu’on a expliqué à Baudisch… à condition c’est-à-dire, que je n’aie
pas peur des hommes ; mais lui, il a répliqué sur son ton habituel :
« Peur, celle-ci ? Essayez, vous verrez ! » Il exagérait, cela
dit, car cette nuit-là, à la vue de toute cette bande d’individus terrifiants, j’ai
été prise d’une peur bleue. Tout de même j’y suis entrée, dans l’eau, mais j’étais
morte de frayeur à l’idée qu’un de ces bonshommes vienne à me sauter dessus. Parce
qu’au bout d’un petit moment ils ne me regardaient plus du tout aussi
amicalement que dans l’omnibus. Au contraire, ils me jetaient des regards, oh !
pas
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