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La dottoressa

La dottoressa

Titel: La dottoressa Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Graham Greene
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uniquement les
façades regardant la mer. C’était là qu’il y avait tous les palais : vu à
l’arrivée, ça n’avait pas trop mauvais air, mais une fois qu’on avait mis pied
à terre et qu’on passait derrière, partout c’était le vide. Partout. Plus de
ville. Rien que des murs. Les uns hauts, les autres rasés. Derrière la rue, des
pierres, rien que des pierres. Tout était démoli. La ville dévastée à un point
tel !… à croire que des géants avaient dansé dessus. Il y avait des
baraquements aux deux bouts de Messine, et là-dedans se tenaient les survivants,
pareils à des fantômes. Dans d’autres parties de la ville, les abris étaient
aussi primitifs que possible. Et puis il y avait les bateaux. Pour arriver à
terre, on devait d’abord grimper sur un navire anglais, et ensuite, de ce
navire, on pouvait redescendre à quai. Nous ne sommes restés que l’après-midi
et la nuit, et pour dormir nous avons dû remonter sur le bateau. Impossible de
coucher à terre. Quelle cruauté que cette catastrophe !
    Nous avons causé avec les gens. Ça n’a pas trop offert de difficulté
parce que je pouvais m’en tirer avec mon italien, et on nous a raconté que c’était
fou la vitesse à laquelle c’était arrivé, oui, incroyable, la rapidité. Ce que
ces gens se rappelaient, c’était le raz de marée en retour. La mer qui avait
menacé de les engloutir tous. Oui. D’abord, tout qui s’est effondré, et les
survivants qui entendaient plutôt qu’ils ne voyaient – les autres, ceux qui
s’étaient trouvés là, étaient tous morts. Pas un n’en avait réchappé. Les
survivants, eux, étaient tous très loin. Ils avaient entendu le fracas
épouvantable des maisons qui tombaient, mais tout ce qu’ils se rappelaient c’étaient
les cris, les hurlements que tout le monde a poussés ; car la mer avait
monté aussi haut que les maisons : « La mer ! Elle va nous
engloutir ! » Et le raz de marée qui arrivait du fond de l’horizon, et
de ceux qui se trouvaient sur le chemin il a fait ses victimes. Oui. Atroce. Sans
compter ce qui a suivi et qui était très mal : toute l’abomination du
banditisme et des voleurs. D’abord, on devait sauver sa vie à peine sauvée du
tremblement de terre, et puis on la perdait à cause de ces bandes de voleurs
qui survenaient.
    Il y en avait trois, de bandes. Elles s’étaient installées à
demeure et elles avaient tout emporté, absolument tout. Elles déshabillaient
même les morts de tout ce qu’ils avaient sur eux, et elles pillaient – c’était
une ville où on ne comptait pas les trésors. Ne fussent que tous ces palais, sans
parler du reste. Les églises, de magnifiques églises avec leurs monceaux d’ornements
religieux. Sans aller chercher plus loin que l’or, pensez ! S’il n’y avait
pas de quoi attirer toute la population !…
    Oui, c’était ça, Messine, et qu’est-ce que nous y pouvions ?
Bref nous sommes repartis, en laissant derrière nous la ville et cette affreuse
tragédie. Il faisait un temps exquis. La grosse chaleur était tombée et la mer
était d’un bleu extraordinaire. Ça vous frappait énormément, ce temps délicieux
et ce riant soleil par-dessus les ruines terrifiantes. Encore, s’il y avait eu
des nuages, peut-être ça aurait-il mieux passé ; mais offrir pareil
spectacle sous ce soleil resplendissant !…
    Ensuite, nous avons voyagé un peu de temps en remontant
jusqu’à Ancône. Je ne garde aucun souvenir de cette ville. Nous n’avons dû y
séjourner que très peu de temps. Nous avons repris le bateau pour aller à
Trieste. De Trieste nous ne sommes pas rentrés directement à Vienne ; nous
sommes passés par Umago, un tout petit trou au bord de la mer, en Istrie. Aujourd’hui
c’est devenu un joli endroit où on peut se baigner à la bonne saison. En ce
temps-là c’était le genre de coin où personne n’allait. Nous sommes donc allés
à Umago et je me rappelle encore comme le hérisson galopait à travers la
chambre, la nuit ; il nous empêchait de dormir, à force de claquer les
lèvres. Il faisait la chasse aux cafards échappés de la cuisine et aux autres
bestioles qui gambadaient un peu partout, il y en avait une collection et il
happait le tout en faisant un bruit terrible avec ses lèvres. Total : même
Dieu n’aurait pu fermer l’œil avec tous ces clac, clac, clac. Rien d’étonnant
si je m’en souviens à ce point. Il faut dire qu’il était si beau avec

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