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La dottoressa

La dottoressa

Titel: La dottoressa Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Graham Greene
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elles restaient derrière, parce qu’elles
aimaient bien frayer avec les Sarrasins. Celles qui n’étaient pas mariées. Celles-là
n’étaient pas du tout pressées de s’enfuir dans la montagne. Les Sarrasins s’installaient,
le temps de piller, puis ils repartaient en emmenant les jeunes filles ; quant
à savoir ce qu’ils pouvaient bien faire d’elles par la suite, nous ne l’avons
jamais découvert.
    Les étés dont il parlait, Gambarletta, ça devait être de ces
canicules gigantesques comme nous autres nous n’en avons jamais connu ; de
février jusqu’en novembre on y cuisait comme dans un four, à ce qu’il paraît. Les
petits enfants nouveau-nés mouraient comme des mouches, on était forcé de les
descendre à la cave, c’était terrible les vagues de chaleur qu’ils devaient
endurer. Sale époque, et il en était toujours resté chez les gens une peur, à l’idée
de revoir un été aussi atroce que ceux de l’ancien temps. Quand arrivaient les
premières pluies d’automne, vers la mi-septembre, la population tout entière se
précipitait dehors, habillée comme elle était ou pas habillée du tout, et on
arrachait ce qu’on avait sur le corps pour y laisser ruisseler la fraîcheur de
la pluie. Si on était dans une boutique ou ailleurs, n’importe, on courait
dehors. C’était une délivrance, en ce sens qu’on avait réellement besoin de
sentir la pluie couler sur son corps… Je n’ai pas connu ça, je n’ai vécu que ce
seul été sans une goutte d’eau de février à septembre. Mais pas de grande
canicule.
    Le jour de la déclaration de guerre, Gigi fit une malle de
toutes ses affaires de peintre. Il avait peint de bien beaux tableaux, qui
restèrent tous dans la petite maison. Il fit une malle de ses affaires de
peintre, pendant que moi je bouclais la valise avec laquelle j’étais arrivée de
Vienne. Nous avons pris le chemin du retour en laissant tout, absolument tout, derrière
nous. Les Bauer aussi abandonnaient tout dans leur maison, et ce fut autant de
perdu également. Ritzenfeld ne s’en alla pas tout de suite : rien ne le
forçait à rejoindre l’armée ; Gigi, le docteur Bauer et moi, nous étions
les seuls à partir. Nous avons pris une carrozzella, une petite carriole,
mais le temps d’atteindre la Teresinella nous avions déjà une roue de brisée, de
sorte que nous avons dû descendre, et tout le monde a dit : « Ah !
mon Dieu, c’est signe que la guerre sera longue, c’est mauvais signe. »
Oui, ça nous semblait mauvais présage, que cette carrozzella se soit
brisée sous notre poids.
    Une fois à Naples, nous avons continué sur Rome, et à Rome
nous avons attrapé de justesse le dernier train pour l’Allemagne et la Suisse. Je
me rappelle encore la galopade que ce fut pour l’avoir, ce dernier train. Les
drapeaux que la foule agitait, les cris qu’elle poussait – les Italiens ne
nous souhaitaient que de bonnes choses, pendant que le train s’ébranlait. Ç’était
venu si vite, cette déclaration de guerre ; en vingt-quatre heures tout le
monde avait dû partir. Le docteur Bauer est descendu à Innsbruck pour changer
de train direction l’Allemagne, et nous, nous avons poursuivi vers la Suisse
jusque chez Gigi, à Bâle, où vivaient ses parents ; ils y avaient une
maison. Et moi, il m’a emmenée dans une petite rue où il m’a trouvé de quoi me
loger en attendant de me présenter à sa maman.
LE MARIAGE. AVEC GIGI
    À la première rencontre, Gigi me présenta le plus
naturellement du monde. Il expliqua que je m’étais trouvée par accident à Capri
et que nous avions voyagé avec le docteur Bauer qui, lui, avait dû continuer
sur l’Allemagne ; tout cela était donc parfaitement décent, rien de louche,
même au regard des principes les plus conventionnels ; et dans ma petite
rue je demeurais chez une dame qui me cédait une chambre. Moi, pour ne pas
changer, je me conduisais toujours aussi mal, mais cette fois mon alibi était
aussi convaincant que mensonger.
    Là-dessus, les télégrammes ont commencé à arriver de Vienne :
« Rentre immédiatement. » Mes parents voulaient savoir ce qui m’avait
pris de ne pas avoir continué tout droit par le train, de Rome jusqu’à Vienne, au
lieu de monter dans celui pour la Suisse, et je crois me rappeler que je me
justifiai en répondant que c’était le seul à s’être présenté sur le moment, et
que ça m’avait paru plus sûr, et puis, bon, j’étais là, un point

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