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La dottoressa

La dottoressa

Titel: La dottoressa Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Graham Greene
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c’était tout. Gigi
a dû aussitôt rejoindre, comme conscrit. Il n’avait que vingt ans tout juste et
devait se porter présent à Bâle ; de là on l’expédia à Lucerne, au centre
d’entraînement… Moi, naturellement, au lieu de repartir directement pour Vienne,
je l’accompagnai jusqu’à Lucerne, et j’y passai quelques semaines, en prenant
une chambre dans la maison d’une M me  Kaufmann.
    Nous nous retrouvions tous les soirs. En fin de journée je
me plantais devant la caserne en attendant qu’il sorte. À part ça, je visitais
Lucerne, je me promenais et je préparais mes examens du mieux que je pouvais. C’est
que je devais passer l’oral de mon diplôme de fin d’études.
    Donc j’étais à Lucerne, et voilà que, curieusement, un jour
où nous flânions Bahnhofstrasse, il entre dans un magasin en me disant :
« Bon, nous allons nous acheter nos bagues de fiançailles et puis nous les
échangerons. » Jamais il n’avait été question de ça entre nous, jamais, et
j’ai répondu que je n’avais pas envie de me marier. Nous avons quand même
acheté les bagues, et comme mes parents se faisaient de plus en plus pressants,
je suis partie pour Vienne, très triste de tous ces changements qui nous
forçaient à nous séparer. Et alors, j’ai été très heureuse de ma bague. Gigi de
son côté a dû se présenter à la frontière pour y monter la garde, une fois sa
période d’entraînement achevée, et moi j’ai pris le train pour Vienne, et
arrivée là, ah ! les mille et une questions qu’on a pu me poser, poum !
poum ! poum ! Pourquoi est-ce que j’étais restée si longtemps en
Suisse ? Pourquoi ci, pourquoi ça ? Mais, moi, tout de suite, je n’ai
dit rien de rien.
    J’ai ôté la bague. C’était plus prudent. Pour l’instant je
ne voulais pas d’émotions qui troubleraient ma tranquillité, je ne m’intéressais
qu’à la préparation de mon oral ; c’est-à-dire que j’allais suivre en fac
les derniers cours. C’était à l’automne de 1914 (j’ai obtenu mon diplôme en
1915). Et naturellement, maintenant je houspillais Gigi, je le bombardais de
lettres, et il a obtenu une permission après deux mois de service sur la
frontière – une permission de huit semaines. Et pour l’occasion, sur mes
instances, il est venu à Vienne ; je l’ai conduit chez la sœur de Frieda
Abeles, Delà Abeles, qui demeurait en dehors de la ville, à l’autre bout, à Doebling ;
elle y avait une très jolie chambre, avec deux autres plus petites au-dessous
pour une personne chaque, qu’elle nous a louées toutes les deux, si bien que
Gigi est venu s’y installer. Ensuite, j’ai menti comme un troupier et raconté
que je ne rentrerais pas à la maison de toute la semaine parce que j’étais
forcée de rester à l’hôpital pour faire la sage-femme, ce qui m’obligeait à y
demeurer en permanence.
    Total : de jour j’étais de service, et parfois j’étais
aussi à l’hôpital dans le courant de la nuit, mais d’autres fois, au lieu de
rentrer à la maison, je filais évidemment à Doebling. Dans la petite chambre. On
ne s’ennuyait pas dans la maison Abeles. Le soir, on allait jusqu’au
Tuerkenschanzpark ; il y avait des manèges de foire et aussi des Hongrois,
je me rappelle, ou des bohémiennes qui disaient la bonne aventure. Il y en a
une qui m’a dit la mienne dans la cour de l’Hôpital Général, l’Allgemeine
Krankenhaus, juste avant que je me présente à mon examen, et je voulais
seulement savoir si je serais reçue, mais ce n’était pas ça qui l’intéressait, non,
pas du tout ; au lieu de ça elle m’a dit : « Pour vous je vois
une longue vie, avec beaucoup d’enfants très beaux qui vous adoreront ; mais
vous n’avez pas de chance. » Et c’était la vérité qu’elle disait, voyez-vous.
C’était en 14, avant mon examen de fin d’études. Je n’avais pas envie de savoir
quoi que ce soit, mais voilà ce quelle m’a dit ! « Une longue vie. » –
je suis servie ! Mais pas de chance – ça aussi elle l’avait dit.
    Je n’ai pas voulu présenter Gigi à mes parents. Je savais
trop ce que ça signifierait – poum ! poum ! poum ! J’avais
beau approcher de mes trente ans, ça n’y aurait rien changé – poum ! poum !
poum ! J’ai expliqué, et c’était la vérité vraie en un sens, que j’avais
besoin d’une chambre à proximité de l’hôpital parce que je devais travailler
très dur pour me préparer

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