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La dottoressa

La dottoressa

Titel: La dottoressa Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Graham Greene
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à mon oral, de façon à être reçue dans un bon rang, et
que pour ça il fallait que je puisse aller à tous les cours. Ce qui a fait que
j’ai loué une chambre, Schwarzspanierstrasse, pour le temps qui restait avant
mon examen de fin d’études. Pas pour moi toute seule, la chambre, bien sûr ;
Gigi venait de Doebling, et même, un jour, Maman m’est tombée dessus. Du coup j’ai
reconnu, non seulement avoir pris cette chambre, mais aussi le reste. Seulement,
Maman était déjà au courant ; une des femmes qui faisaient le nettoyage
avait dû la prévenir, parce qu’elle m’a questionnée et tous les détails sont
sortis. Moi je suis incapable de mentir, pour de vrai je veux dire, dur comme
fer, sans qu’il y ait un brin de vérité dedans ; je n’en ai que faire ;
alors j’ai simplement dit que, oui, j’avais fait la connaissance de Gigi, et
Maman a dit de son côté : « Si tu crois que nous ne nous doutions de
rien, avec tes lettres et tout ce qui s’ensuit. » Là-dessus, nous avons eu
une dispute effroyable, Seigneur quand j’y pense ! « C’est ça que tu
appelles des relations de bon aloi, c’est affreux », et poum ! poum !
poum ! Mes parents ont immédiatement écrit à ceux de Gigi, à Bâle, en
proposant une rencontre. Pour barder, ça bardait !
    Moi je pensais, regarde bien à quoi ça ressemble, leur Vertu
Civique ! C’est exactement du pareil au même que ton hérisson quand il
claque les lèvres, sauf que lui au moins il a l’excuse de vouloir manger les
cafards. Oui, moi aussi j’étais en colère, moi aussi je claquais les lèvres, je
n’admettais pas cette manière périmée d’insulter le monde, de la part des
parents, j’en étais stuffata. Ces façons étroites de voir, ça me fait
vraiment mal aux tripes.
    Mais bon, ceux de Bâle, ma future belle-mère et mon futur
beau-père, ils sont arrivés en temps voulu, et entre parents il se sont
entendus, sur le chapitre finances et sur le mariage – le mariage tambour
battant, et encore c’est peu dire. J’avais de l’argent, et Gigi aussi, les
familles y avaient veillé, et elles nous ont dit qu’il fallait nous marier et
faire publier les bans à Bâle, et également à Vienne, à l’hôtel de ville, et je
me rappelle encore comme nous étions furieux tous les deux, parce que ni l’un
ni l’autre nous n’y avions jamais rien vu de mal, à tout ça. Et c’était nous
qui avions raison ; les autres, ça ne tenait pas plus debout que les
peuplades primitives. La seule différence, la voici : les rapports « de
bon aloi », c’est quand on vit séparés, qu’on est d’abord là fiancée, puis
la jeune épousée, et qu’on n’a pas de commerce sexuel ; le « mauvais
aloi », c’est le contraire.
    Quand on a découvert que nous avions deux petites chambres d’une
personne à Doebling et que, Schwarzspanierstrasse, on avait toujours vu Gigi
avec moi, qu’est-ce que cette pauvre Delà Abeles n’a pas entendu de la part de
Maman ! Et avant que Gigi et moi nous partions pour la Suisse, mes parents
m’ont dit : « Notre consentement, tu ne l’as pas ; tu entres
dans ce mariage sans notre approbation. » Ils répétaient ça depuis le
début – et en ça ils n’avaient pas tort, bien sûr, la suite l’a prouvé, que
c’était le genre de mariage qui ne pouvait absolument pas marcher du tout. Ils
me ressassaient : « Il est de sept ans plus jeune que toi, et peintre
avec ça, sans compter que c’est quelqu’un à qui on ne peut pas se fier. » Et
ceux de Bâle devaient bien en convenir aussi. Financièrement, ça a marché parce
que les Bâlois avaient déclaré que Gigi n’aurait pas besoin de compter
seulement sur sa peinture pour vivre, ils avaient largement de quoi, et il
était fils unique. Le père était directeur des chemins de fer de l’État, c’étaient
des gens aisés. Bref, voilà l’histoire. Gigi et moi, nous avons pris le train
pour Bâle et nous nous sommes mariés à l’état civil de cette ville. Comme je n’avais
pas envie de me faire protestante, nous n’avions pas le choix. Au total, j’ai
pu accorder au moins une petite satisfaction à mes parents en leur disant :
« Non, non, je n’embrasserai pas d’autre religion, je veux rester
catholique. »
    N’empêche qu’ils ont refusé de venir à Bâle et qu’en sortant
de l’état civil nous n’avons pas fêté le mariage avec la famille de Gigi ;
nous sommes partis pour Landhaus-am-Rhein, un

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