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La dottoressa

La dottoressa

Titel: La dottoressa Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Graham Greene
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lieu de Gigi, peut-être
les choses auraient-elles tourné de façon plus constructive. Bien que moins
intéressante. Ça, c’est peut-être vrai.
    Avec Gigi, c’était la vie de bohème ; avec Tutino aussi,
en ce sens qu’on passait son temps à voyager, puisqu’on l’expédiait sans arrêt
d’un bateau à l’autre. Nous avons voyagé partout – la Sicile et ses ports ;
Gaète, Formia – et partout je suivais, avec ma petite Giulietta. Excepté
sur les bateaux ; je ne pouvais pas, car c’était des navires de guerre. Je
restais à terre, et quand il avait terminé, dans la soirée, il me rejoignait.
ARRANGEMENT AVEC GIGI
    Je suis allée une fois à Vienne avec Giulietta. Gigi n’habitait
plus chez Maman, il vivait avec une certaine Zuzzi (ce nom !). Il avait
loué un atelier non loin de l’appartement de Maman, exactement à Unter
Saint-Veit. Et pour modèle il avait pris cette Viennoise. C’était une minuscule
et délicate créature qu’il aurait pu faire tenir dans une valise – grand
format. C’est même ce qu’il a fait une fois, pour rire. Moi, je te vous l’aurais
expédiée par la poste en Sibérie, la petite garce ! Évidemment, ça n’empêchait
pas Gigi de recevoir aussi la visite d’anciens modèles, notamment une grosse
fille originaire de Bohême, une énorme femelle. J’oublie son nom aujourd’hui. C’était
un modèle qu’il avait peint dans le temps, mais elle continuait à venir, comme
d’ailleurs une collègue à moi, une jeune femme que j’avais connue dans ma
jeunesse et qui vivait aussi à Vienne ; ça fonctionnait aussi entre eux. Oh !
il n’était pas à l’abandon, Gigi ! Inutile de se tracasser pour lui.
    Dès mon arrivée, nous avons eu une entrevue. Maman était au
courant de tous les modèles, même s’il ne les amenait jamais chez elle, malgré
tout elle savait parfaitement ce qui se passait à l’atelier… Elle avait un gros
faible pour Gigi, ma Maman, elle le préférait à moi, sa fille unique ; elle
était toujours d’accord avec lui, et le fait qu’il était venu à Vienne pour la
tirer de ses ennuis avec son appartement l’avait fait remonter très haut dans
son estime.
    De façon ou d’autre, nous avons fini par arriver à un
arrangement selon lequel – ce fut même mis par écrit – je pourrais
rester en Italie, et lui, vivre à Vienne, pendant que le petit Ludovico
resterait chez les beaux-parents de Bâle et que je garderais Giulietta avec moi ;
bref, nous vivrions séparés, mais au cas où j’aurais un enfant de Tutino, je
devrais l’en prévenir. Oui, voilà ce que nous avions mis par écrit. J’ai donné
mon consentement et promis de l’avertir si je me trouvais enceinte. Autrement, j’étais
libre de vivre de mon côté comme je voulais, et lui du sien comme il l’entendait.
    Vous voudriez savoir si Zuzzi n’avait pas eu peur, à la vue
de cette épouse qui arrivait soudain des fins fonds de l’Italie avec une petite
fille. Eh bien, non, tout se passa très amicalement et nous nous sommes
follement amusés tous ensemble. Sauf pour moi un tout petit pincement de
jalousie, quand il l’a enfermée dans la valise.
    Toutes les maîtresses de mon mari étaient mes amies, tandis
que lui, de son côté, faire ami avec Tutino, non jamais !… À Positano, il parvenait
tout juste à le tolérer ; jamais il n’a fait mine de soupçonner la moindre
chose entre nous ; il se comportait exactement comme s’il avait passé son
temps à le nier. Personnellement, je n’ai jamais rien eu contre ces filles, et
ce dès le début de notre mariage. Après tout, pourquoi aurais-je eu une dent
contre elles, puisque de mon côté ?…
    Ensuite, je suis redescendue dans le sud de l’Italie, à
cause de Tutino qui m’écrivait des lettres incendiaires : « Rentre
immédiatement ! » Il ne pouvait pas supporter d’être seul un instant
de plus… Il était très amoureux ; moi aussi, je suppose, bien que j’aie l’impression
qu’il l’était sans doute plus que moi. Même sa mère m’écrivait que c’était mal,
ce que je lui faisais endurer, que son fils se mourait de chagrin et que même, si
je voulais, nous pouvions nous marier. Mais Gigi et moi nous avions signé cet
accord ; je ne voulais pas du mariage – pas plus que lui n’avait
envie de se remarier. Il était de la plus haute importance pour lui que je n’épouse
personne d’autre. J’en dirai plus tard la raison, comme aussi la raison de tant
de

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