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La dottoressa

La dottoressa

Titel: La dottoressa Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Graham Greene
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pas très bien élevés tous les deux, ils ont cassé une glace
appartenant à la femme chez qui nous logions ; j’avais assez de peine à
tout tenir en main. Ludovico galopait partout avec les petits Napolitains, il n’avait
pas toujours envie de rester avec sa sœur. J’ai fini par engager une Allemande
parce que je perdais la direction des opérations, mais cette Fräulein a
bientôt dû me quitter ; après ça, est venue de Bâle une parente, une
cousine. Seulement, en réalité, c’était une satanée espionne.
UNE FILLE DU DIABLE
    Cette cousine était censée venir en Italie pour visiter Rome,
mais elle a trouvé le moyen de me dénicher à Naples. Je ne pense pas que ç’ait
été une idée de Gigi – il se trouvait alors avec ma mère, à Vienne – non,
c’étaient plutôt les beaux-parents qui se demandaient ce qui pouvait bien me
prendre tout à coup d’être à Naples. Les éternels soupçons ! Pourquoi les
gens ont-ils besoin d’être si méfiants ? Cela dit, je dois bien
reconnaître que je n’ai jamais été sans faille, si bien qu’à leur façon ils n’avaient
pas tout à fait tort.
    Comment la cousine m’a-t-elle trouvée ? J’imagine que j’avais
certainement dû écrire à mon mari que j’étais à Naples, car je restais en
correspondance régulière avec lui. Bref, elle est venue espionner à Naples, et
peu après sont arrivées des lettres de Bâle avec des allusions au fait que
Ludovico aurait bientôt sept ans et besoin d’aller à l’école. Les
grands-parents insistaient sur leur refus de le voir entrer dans une école à
Naples ; non, je devais le confier à sa grand-mère de Bâle. Et c’est ce
que j’ai fait et que, bien entendu, je n’aurais jamais dû admettre. Même Tutino
me disait : « Surtout pas ; garde l’enfant ici. Nous nous
débrouillerons de façon ou d’autre. » Car à Naples il y avait même des
classes d’allemand, pas beaucoup mais tout de même ; seulement j’ai pensé
que ce n’était peut-être pas la bonne manière, non pas tant pour l’instruction,
mais parce que le petit était toujours à traîner dans les rues.
    À Bâle, chez les Suisses, fini de dire des gros mots et de
désobéir, fini les gens qui n’auraient que « queue qui pende » à la
bouche. Mais pour moi quel chagrin ! Atroce ! À force de pleurer je
me liquéfiais. J’ai souffert ainsi cinq années pleines. Aujourd’hui je me le
reproche, mais ça sert à quoi, tous ces reproches que je me fais pour m’être
toujours laissée aller à m’écouter, même au prix de tant de chagrin ? Et la
cousine, est-ce qu’elle n’avait pas tort, elle, quand on pense à ce qu’elle a
fait ? Elle n’est venue qu’une seule fois à l’appartement, en coup de vent,
et comment elle a pu découvrir tant de choses en ne parlant que quelques mots d’italien,
c’est inconcevable ; mais n’importe comment, elle avait dû mener sa petite
enquête, et ensuite elle a écrit. La femme curieuse n’est pas mère, mais fille,
du Diable, et toujours vierge par-dessus le marché. Qui s’aviserait de faire l’amour
avec une fille du Diable ? La garce, elle était bien trop frigide pour
admettre que les autres soient heureux. Elle a rencontré Tutino dans la rue, pas
dans ma chambre. N’empêche qu’elle a flairé tout de suite qu’il se passait
quelque chose, et c’est à ce moment-là qu’on a fait les offres pour l’éducation
de l’enfant. Ensuite, j’ai dû voyager avec Tutino – on l’expédiait de
nouveau ailleurs, dans le Sud, en Sicile. D’abord, nous avons commencé par vivre
un temps à Posilippo, juste à côté de Naples, où nous avions un très joli
appartement dans la maison d’une Russe, vraiment très agréable, avec cuisine et
tout.
    Tutino était beau gosse, comme peuvent l’être les Italiens, pas
aussi grand que Gigi, et de loin pas aussi magnifique, non, sans comparaison, mais
avec d’adorables cheveux bouclés et une constitution physique un peu délicate ;
il avait besoin de beaucoup de vacances et de permissions pour raison de santé,
et peut-être était-il un peu mélancolique, à lire toujours son D’Annunzio. Il
ne se plaisait pas dans la marine. Il était plus jeune que moi, de six années. Tous,
ils étaient plus jeunes, je n’ai jamais eu que des jeunes. Même quand j’étais
moi aussi jeune et fille, ils étaient déjà tous mes cadets. Ce n’était pas bon.
Si j’avais eu tout au début le mari qu’il fallait, au

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