La dottoressa
une villa à Anacapri, et il
apprit par une de ses servantes qu’il y avait une étrangère qui exerçait dans
le coin, que j’avais opéré quelqu’un à la main et que tout le monde avait
recours à mes services. Ce qui a fait que, le jour où il eut une bronchite, il
dit à sa servante : « Bon, eh bien va me la chercher, ton étrangère, ta dottoressa ! » Et à la suite de ça, il devint mon protecteur, parce
qu’il découvrit tout, et aussi parce qu’il avait été très satisfait de moi et
de mes talents de médecin.
Il me présenta également son frère Giorgio, qui avait épousé
une Américaine, Mabel. Et ensuite Arturo Cerio, le frère aîné d’Edwin, tomba
gravement malade. Depuis toujours il souffrait sérieusement de l’asthme, en
plus du fait qu’il avait piètre santé, de sorte que son frère Giorgio et Mabel
me supplièrent de l’accompagner pendant la cure qu’il devait faire en Allemagne,
à Bad Reichenhall. Je l’accompagnai donc et m’occupai de lui. Giulietta fut
placée chez les religieuses allemandes de Capri, tandis qu’Andréa restait avec
Tutino, qui l’emmena chez sa mère à Positano. La cure fit énormément de bien à
Arturo ; en signe de gratitude, il m’accorda un congé de cinq jours pour
aller en Suisse voir mon fils Ludovico, qui était au Gymnasium (au lycée),
et ce furent cinq journées pleines de charme et de gaieté ; nous nous
sommes promenés le long du Rhin ; et après, ce fut le retour de Bad
Reichenhall, avec Arturo : Gênes-Naples en bateau, tant il faisait beau.
Quels gens étranges que les membres de cette célèbre famille
des Cerio. Quiconque au monde a entendu parler de Capri a fatalement entendu
parler d’eux. Edwin avait été un temps maire de Capri et il avait beaucoup fait
pour la ville, ce qui lui avait valu d’être aimé et détesté, comme toujours en
pareil cas. Giorgio avait déjà été marié ; sa première femme était morte
subitement – elle s’appelait Jenny – et il lui avait fait élever un
énorme tombeau. Giorgio était médecin ; il avait pris la suite de son père
Ignazio, médecin lui aussi et adoré à ce titre, et qui était de plus un érudit,
un archéologue, un minéralogiste et un savant en bien d’autres matières. La
piazza – la célèbre piazza – s’appelle la Piazza Cerio. On l’a
baptisée ainsi en mémoire d’Ignazio Cerio, adoré des riches et des pauvres, et
ensuite venait la descendance. Comme je l’ai dit, il y avait Edwin, qui était
en fait ingénieur de la marine et qui a écrit plusieurs livres sur Capri ;
Giorgio, médecin lui aussi, mais qui n’exerçait pas ; et Arturo, le
troisième, toujours malade.
Ils étaient continuellement à couteaux tirés, si bien que
les rapports avec eux n’étaient pas de tout repos. Giorgio avait épousé la
riche Américaine et par là même acquis de la fortune, alors que dans l’ensemble
les Cerio n’en avaient pas. Ignazio avait sa demeure familiale de Capri, mais
ce qu’il pouvait posséder d’autre ne représentait guère une richesse ; la
magnifique propriété venait de sa femme.
Après la mort de Giorgio, tout a été partagé. On a morcelé
la propriété ; Arturo est mort à son tour ; Edwin lui survécut, mais
sans hériter de la totalité, car Giorgio avait eu, d’une très modeste Anacapriote,
un enfant qu’il cacha d’abord en France ; après quoi il se décida à tout
avouer à sa femme, Mabel, qui adopta l’enfant comme s’il lui avait appartenu, à
l’âge de six ans. Elle donna de l’argent à la mère pour la peine, afin qu’elle
renonce à tous ses droits et lui abandonne entièrement la petite fille, qu’elle
considérait maintenant comme la sienne. Elle était elle-même sans enfant. J’ai connu
la petite : elle était très douée, elle a appris très vite à parler l’anglais,
bien qu’elle ait commencé par ne parler que le patois de là-haut, d’Anacapri, avec
sa mère. Mais elle apprit aussi les bonnes manières, le plus naturellement du
monde, et devint tout de suite une jeune demoiselle bien. On ne l’oublia pas
dans le testament ; à la mort de Giorgio, et aussi de Mabel, on lui laissa –
elle s’appelait Amabel – la belle propriété donnant sur la Marina Piccola.
Elle reçut également la demeure de Capri, et Edwin Cerio s’est retrouvé seulement
avec le Palazzo, le berceau de famille sur la piazza, et quelques autres belles
villas sur la Via Tragara. La plus belle, la
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