La dottoressa
Certosella, il l’a léguée à sa
fille, Laetitia ; c’est une très charmante personne qui aujourd’hui
travaille dur pour faire vivre un centre culturel et un musée au Palazzo ;
elle y organise également de beaux concerts, des expositions d’art, des
conférences et autres.
Arturo Cerio était très gentil, mais bien vieux, et toujours
souffrant – c’était triste d’être avec lui. Après une absence de six
petits mois, nous sommes revenus à Capri, et comme l’hiver tournait au
printemps il est tombé malade, d’une très grave pneumonie dont il mourut, le
pauvre. C’était en 1930, je crois. Naturellement, je reçus un peu d’argent en
supplément, parce que j’étais restée pour le veiller et le soigner, les
dernières nuits.
UN VIL LÂCHE ET UNE CANAILLE
Avec mes économies, je fus en mesure de m’acheter une maison
à Anacapri. C’était une très vieille maison, dans Caprile, une des plus
anciennes ; tout le monde semblait l’avoir habitée au moins une fois
durant sa vie. Oui, une très vieille maison, une vraie ruine. Par exemple, l’escalier
qui menait au premier n’était plus qu’un monticule, et si les pièces existaient
bien, tout était dans le même état misérable. Le gérant était un certain
Damiano, et la maison appartenait à trois frères qui avaient émigré en Amérique
en la confiant à ce Damiano ; de là est venu qu’il a pu me la vendre pour
douze mille lires, ce qui, même pour l’époque, était extrêmement bon marché. Mais
pour moi, qui en ce temps-là touchais dix lires par consultation et vingt par
Visite, c’était après tout une petite fortune. Le montant à payer pour la
maison, je l’avais, mais pas la somme à verser au notaire, ça non.
Et si je ne l’avais pas, c’était qu’à ce moment précis mes économies
étaient à la banque – sept mille lires à la Banca Astarita, sur les
conseils de ces hommes merveilleux qui s’appelaient Edwin et Giorgio Cerio ;
car lorsque, à l’époque je leur avais déclaré que je cherchais un placement sûr
pour mon argent, ils m’avaient dit tous deux en riant : « La
Dottoressa, il lui faudrait au moins la Banque d’Angleterre. Pour ses sept
mille lires princières, oui, c’est la Banque d’Angleterre qu’il lui faut ! »
Bref, toujours est-il qu’elle avait fait banqueroute l’année d’après, leur
banque, et que plouf ! mes sept mille lires avaient été englouties avec, intérêts
compris. Eux, leurs fonds, ils les avaient retirés à temps, bien entendu. Ah !
oui, c’étaient des malins, les Cerio. Malins comme le Diable ! Et ce n’était
là que le premier de leurs « bons conseils »…
Donc, j’avais perdu mon argent, et pour moi ça représentait
une fortune – si on décomposait ça en dizaines et vingtaines de lires. Voilà
comment il s’est trouvé que je ne fus à même de payer que la maison, et pas le
notaire. En conséquence, je dus vendre mon magnifique microscope. Le fait est
que je le vendis à un confrère qui traversait constamment, de Naples, un
spécialiste en gynécologie du nom de Cicaglione. Par la suite, nous nous sommes
associés pour ouvrir un cabinet à Capri, étant entendu qu’il pourrait venir une
fois par semaine y donner ses consultations – à part cela, ce serait ma
propriété. C’est à ce moment-là que j’ai fait également l’acquisition du
mobilier médical nécessaire, ainsi que d’une table gynécologique et de tout ce
dont on peut avoir besoin pour un cabinet médical. Et c’était à Capri, tout
près de la piazza, Via Lungani.
Bref, on pourrait se dire que tout va bien à présent pour la
Dottoressa. La banque a beau lui avoir volé son argent, la voici à la tête d’un
cabinet de consultation à Capri et d’une baraque en ruine tout là-haut, à
Anacapri, ainsi que d’un parfait associé. Parfait associé du Diable, oui !
C’était une espèce de petit vigliaccone d’italien, Comment est-ce qu’on
dit ça vigliaccone ? Vil lâche, fripouille, oui. Qu’on me pardonne
ce mot, car d’habitude j’ai un faible pour les Italiens ; mais celui-ci !…
Il en voulait, il aurait même voulu que je fasse l’amour avec lui, tandis que
moi, non. Dieu bon, je ne pouvais pas le sentir ! Là-dessus, voilà que je
découvre qu’il employait son temps de consultation et de gynécologue à pratiquer
l’avortement. Je n’avais rien à voir avec ça, mais quand j’ai découvert le pot
aux roses, non seulement, dans
Weitere Kostenlose Bücher