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La dottoressa

La dottoressa

Titel: La dottoressa Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Graham Greene
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ça, je l’ignore. J’ai fait si vite
(penser qu’il aurait pu y avoir une bombe dans le bouquet !)… Il a
beaucoup ri, c’est tout ce que je sais. Maman était écarlate et tendait les
mains comme pour implorer pardon. Il n’y avait pas de police, pas l’ombre d’un
garde ; c’était très différent en ce temps-là. Les gens criaient :
« Vous avez vu cette petite ? Vous avez vu ça ? » et puis
fini, incident clos. Ça oui, je m’en souviens comme si j’y étais.
CHEZ LES SŒURS
    Au couvent, j’ai fait l’école primaire et l’école secondaire,
jusqu’à l’approche de mes quatorze ans. Chez les Ursulines aussi, j’ai été
méchante fille, très mauvaise fille, oh ! oui, et souvent prise sur le
fait. Une fois, un vieux monsieur est tombé à cause de moi, parce que, la
classe finie, je poussais trop fort pour sortir : celles qui marchaient
devant sont tombées sur le vieux monsieur, et lui aussi est tombé – j’étais
vraiment très navrée. Il était incapable de remuer. Il a dit : « Mes
enfants, vous êtes si pleines de vie que vous n’avez pas besoin de la mienne. »
Ce qui a fait qu’il a ri et que les filles l’ont aidé à se relever. Il n’avait
rien de cassé. Il s’était seulement assis sur son popo… Mais à part ça, au
couvent pendant les récréations, je lançais des boules de neige sur les sœurs. C’est
la vérité vraie. Ça ne simplifiait pas la vie à mes parents.
    Dès que j’en eus terminé avec l’école secondaire, on m’inscrivit
à Notre-Dame-de-Sion, non loin de l’Ulrichskirche. C’est là qu’on m’a mise. Tout
y était très français. J’ai dû apprendre l’histoire ancienne du Moyen-Âge en
français, et ça d’oreille, uniquement ; d’oreille aussi, j’étais capable
de réciter par cœur mes leçons. Je récitais ce que j’avais lu, mais sans
comprendre un seul mot. C’est de là que j’ai eu la mémoire si bien entraînée
que, plus tard, une biographie de Schiller qui faisait deux pages et demie, je
n’ai eu qu’à la lire une seule fois, et ensuite j’ai pu me lever et la débiter
de bout en bout.
    Naturellement, les sœurs se sont aperçues de ça. Elles s’aperçoivent
toujours de tout, les sœurs. Mes parents leur avaient déjà expliqué que je ne
parlais pas un mot de français, et elles de leur côté ne parlaient pas l’allemand.
    La moitié des Balkans envoyait ses filles à ce couvent. Que
ce soient Roumains, Serbes ou Bulgares, tous ils expédiaient leurs enfants loin
de chez eux, à Notre-Dame-de-Sion. J’ai fini par être si catholique, à force, que
je me confessais sans arrêt et que je rêvais d’avoir un autel à la maison –
pis encore : je voulais me faire religieuse.
    C’est à quinze ans que j’ai eu envie de devenir bonne sœur, et
quand Papa me l’a interdit j’ai commencé une grève de la faim de dix jours. Je
ne mangeais rien. À la fin, le docteur est venu, et il a dit à Papa qu’il
devait immédiatement partir pour la campagne avec moi. C’était en mai, et la
saison avait beau être peu avancée, nous voilà à la campagne ! On m’a
conduite en voiture à Saint-Wolfgang. Le docteur a dit : « Une fois
sortie de ce couvent, elle y renoncera, à son idée. » Bref, il fallait que
je change d’air, du moment qu’on ne pouvait me convaincre d’arrêter ma grève de
la faim. J’étais trop passionnée, je voulais à toute force devenir religieuse, et
je croyais arriver à mes fins en faisant grève – Papa céderait.
    Toujours est-il que tout est allé de travers. Cette fois, vous
allez rire… À peine étais-je à Saint-Wolfgang depuis quelques semaines que fini,
plus du tout question de mes histoires de bonne sœur. Je m’échappais pour aller
rejoindre les petits Pater – les enfants du patron de l’hôtel Pater :
quatre garçons et une fille, Henriette, et les quatre fils avaient leur bateau
à eux. J’ai appris à nager et failli me noyer la première fois ; et aussi,
on faisait de la voile et je me suis retrouvée sous le bateau quand on a
chaviré. C’est dire qu’à l’automne, venu le moment de rentrer à la maison, fini,
plus question de me faire bonne sœur. Motus complet là-dessus.
    Quel merveilleux été ! – enfin… pas tellement pour
mes parents, ils avaient toujours peur à cause du lac – peur que je ne me
noie. Nous avions chaviré en plein sous le nez du vapeur, si bien que ça avait
fait des tas d’histoires : le canot de

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