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La dottoressa

La dottoressa

Titel: La dottoressa Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Graham Greene
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savaient rien du tout, mais ils subodoraient la chose. Peut-être
pas totalement. Pas jusqu’à quel point c’était mal, ni comme c’était bon. D’abord,
ils ont seulement pensé que j’étais avec mon amie Frieda Abeles, mais ils ont
fini par découvrir… mon Dieu, oui… qu’il y avait aussi quelqu’un d’autre.
    On allait à l’Opéra ! Je me souviens qu’il y a eu une
de ces histoires, à l’Opéra ! C’était avec Max. Pour entendre Caruso. Pour
la seconde ou la troisième représentation je n’avais pu obtenir de billet ;
tous vendus jusqu’au dernier ; mais j’étais résolue à voir Caruso, sans faute,
et je parvins à me faufiler au contrôle sans avoir de place. Naturellement, après
le premier acte, on m’a harponnée et conduite à l’inspecteur, un dénommé Madl, inspecteur
en chef… et on a expliqué que, hum, oui, bien sûr, vu que je faisais queue tous
les jours aux guichets, et que je ne ratais pour ainsi dire pas une
représentation, cela constituait une circonstance atténuante. Et Madl a répondu :
« Tout de même, ce n’est pas bien du tout. » Ce qui a fait que j’ai
reçu à la maison une convocation et que j’ai dû me présenter au commissariat de
police. Là, l’inspecteur m’a dit : « Je n’ai pas envie de vous gâcher
votre carrière. Vous êtes étudiante au Gymnasium et sur le point de
passer votre malura, votre examen terminal. Vous ne voudriez pas que je
gâche tout votre avenir avec une citation à comparaître ? » Cela s’est
bien passé et il a été gentil pour moi.
    C’est que, voyez-vous, je voulais par-dessus tout au monde
entendre chanter Caruso. C’était un rêve. Vous n’avez pas idée. Il chantait les
opéras de Verdi, Il Trovatore et La Traviata ; à ce
moment-là je l’ai entendu dans tous les rôles de ténor. Il était petit, gros, plein
de vie, et il chantait !… ah ! s’il chantait… Du jour où j’ai obtenu
ma matura jusqu’à celui où j’ai décroché mon doctorat, je suis allée
chaque soir à l’Opéra. Tous les soirs, tant à l’Opéra qu’au Burgtheater.
UN GENRE D’HÔTEL
    C’est à ce moment-là que j’ai eu un vrai coup de cœur pour
Josef Kainz. On l’attendait à l’entrée des artistes en lui apportant des
œillets. Oui… ç’a été une vraie passion. Il jouait comme personne.
    Une fois où nous le guettions à l’entrée des artistes et où
il jouait dans La Juive de Tolède, ce fut Hoffmann qui sortit le premier.
Hoffmann était un jeune acteur que j’avais déjà rencontré ; il me dit :
« Et maintenant, allons manger quelque chose… allons au Tiefen Graben, il
y a là un gentil petit hôtel, on pourra s’embrasser et être ensemble. » Je
l’ai suivi. Et c’est la première fois que j’ai compris que ce genre d’hôtel
existe et qu’on peut y aller comme ça, et pas pour dormir, oh ! non.
    Devant le concierge, j’avais terriblement honte. Parce qu’il
avait dû remarquer que j’étais très jeune ; et puis probablement il
connaissait déjà Hoffmann, celui-ci lui en avait sans doute déjà amené d’autres,
dont il avait fait la connaissance au théâtre. Après, Max Adler a été très
furieux contre moi. Sauf qu’ensuite nous y sommes allés aussi, du moment que
Hoffmann nous avait donné l’idée. Mais pas au même hôtel – à un autre du
même genre, quelque part dans la Ringstrasse. On se fixait rendez-vous pour tel
ou tel jour et on y retournait. Si bien que ça devint une véritable habitude, ces
visites à l’hôtel – et dire que tout ça ne serait jamais arrivé si ce
garçon, ce Hoffmann, n’était pas sorti du théâtre avant Kainz. C’est toujours
comme ça. Plus tard, à Positano, ç’a été le même coup. On attend un homme, et
pouff ! c’est un autre. Mais, pour ne rien cacher, ce que j’éprouvais
alors n’avait rien de commun avec ce que j’ai ressenti plus tard. C’était un
tohu-bohu plutôt que du plaisir profond. Un genre de répétition comme au
théâtre, un jeu. N’empêche qu’il n’y a pas de doute, je me sentais pleine d’importance
de fréquenter maintenant des hôtels…
    J’étais encore très jeune. Peut-être qu’à cette époque
toutes les filles se conduisaient infiniment mieux que moi. Je ne saurais
vraiment dire ; mais dans ces milieux de la petite bourgeoisie les filles
étaient très protégées. J’étais la seule à être un pareil spécimen à part ;
ce n’est pas comme maintenant où toutes elles

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