La dottoressa
sauvetage fut forcé de sortir pour
nous tirer de là. Une autre fois où nous avions grimpé sur une montagne, nous
avons passé la nuit là-haut, sans avoir dit où nous allions – le lendemain,
on envoya des gens à la recherche… N’importe, pour ce qui était de me faire
bonne sœur, terminé. Ma vocation – c’est comme ça qu’on dit ? – s’était
envolée.
À l’automne, on déclara que je devais rester à la maison, bien
gentille et bien sage, et que j’aiderais Maman à faire le ménage, la poussière
et le reste. Mais très peu pour moi. J’ai dit : « Je veux apprendre
quelque chose. » Alors j’ai passé un diplôme d’État qui me permettait de
donner des leçons. J’ai appris le tout à l’École de Langues Weiser.
D’abord, j’ai commencé par donner un cours pour petits
enfants. J’enseignais le français et l’anglais. Grâce à l’argent que je gagnais
avec ces leçons de français et d’anglais, et plus mon argent de poche
par-dessus le marché, je m’inscrivis au Cours Schwarzwald, pour les deux années
préparatoires à l’examen de fin d’études. Tout ça toute seule, et en galopant
partout dans Vienne. Mes parents ont fini par céder, le jour où ils se sont
rendu compte que je me ruinais la santé à donner des leçons.
Jamais il ne fut question pour moi d’entrer dans la coiffure,
pour la raison que cette profession n’était plus la nôtre. Maman demeurait Einsiedlergasse,
avec les oncles. Elle n’allait plus coiffer les cheveux de personne ; elle
s’occupait des deux vieux messieurs. Papa a continué pendant quelque temps à
tenir le salon ; puis il s’est cassé la clavicule et, à la suite de ça, il
a dû abandonner et vivre de ses gains ; il s’occupait de la vente et de l’achat
de maisons et autres affaires de ce genre. Plus du tout de sa profession. Ses
deux frères qui venaient d’Allemagne reprirent le salon. Oui, il avait deux
frères plus jeunes, à qui il a passé la main pour les deux boutiques : celle
de la Singer-strasse, et une toute neuve, Weiburggasse. Celle de la
Weiburggasse est toujours telle quelle était à l’époque. Il y a bien des années,
mon oncle, qui s’appelait Hermann Klaesser, la dirigeait. Quant à l’autre oncle,
André, après avoir été d’abord Singerstrasse, il est entré ensuite à l’hôtel
Bristol – un très grand hôtel, dont il est devenu à l’époque le coiffeur. Ses
filles sont toujours en vie ; l’une d’elles est actrice et vit à
Huetteldorf.
PREMIER AMOUR
Donc, me voilà au Cours Schwarzwald. Au début, j’ai
recommencé à me conduire très mal une fois de plus. J’ai fait la connaissance d’une
camarade de mon âge, une certaine Frieda Abeles, qui était juive et pour
laquelle je me suis vraiment prise d’affection ; elle vivait chez des
parents à elle, du nom d’Adler, à Leopoldstadt, en même temps que leur fils, Max
Adler…
Comment expliquer ?… Non, il n’était pas question de
courtiser qui que ce soit à l’époque, ça n’existait pas. Courtiser quelqu’un !
Quelle perte de temps ! On sortait ensemble, aux heures de liberté, à l’insu
des parents. Les cours terminés au Cours Schwarzwald, on montait à l’Albrechtsrampe,
et une fois là-haut, on s’en payait. Quand Maman venait, un peu plus tard, m’attendre
à la sortie de l’école, tout en bas, on pouvait la voir arriver et même lui
cracher dessus. Elle n’avait pas idée que nous puissions être là-haut, et si on
crachait ça se perdait en route, et elle me cherchait partout.
Ç’a été mon premier amour, oui. (Avant, enfant, je n’avais
que mon cousin avec qui je gambadais un peu à Lainz, mais c’était de l’enfantillage,
même si mon registre à péchés, celui que j’emmenais à la messe dans la voiture,
était plein.)
Max Adler avait mon âge, entre dix-neuf et vingt ans. J’avais
suivi les cours de l’école de langues, et sortie de là, j’ai fait la classe à
des adultes. Évidemment, adultes nous l’étions nous-mêmes complètement, tous
les deux, d’une façon. Ce qui fait que ce premier amour a suivi son petit
bonhomme de chemin, tantôt sur l’Albrechtsrampe, tantôt s’il faisait noir, au
Schillerpark. Le Schillerpark c’est en face de l’Akademie ; on s’asseyait
sur un banc et on restait là dans la nuit qui tombait. C’était un premier amour,
oui, et nous avons péché, énormément, et beaucoup de fois, tellement c’était
bon. Mes parents n’en
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