La Fausta
de La Rochelle…
Pardaillan, Charles d’Angoulême et Picouic étaient demeurés seuls dans le logis du meunier ; le moulin lui-même se dressait sur l’aile gauche de ce logis, et ils communiquaient par un escalier de bois qui, partant du rez-de-chaussée du logis, aboutissait à l’étage du moulin où se manœuvrait la meule, et où on pouvait mettre en mouvement les grands bras livrés à l’action du vent. De cet étage du moulin, par une simple trappe à laquelle aboutissait une échelle, on descendait à l’étage inférieur où se recueillait la farine. Tout cet ensemble était juché sur un cône de poutres solides et pouvait pivoter de façon qu’on pût profiter du vent, quelle que fût sa direction. Ce cône de poutres était recouvert d’un bâti de planches, en sorte que cela formait un réduit où on pouvait pénétrer au besoin.
Pardaillan parcourut rapidement le logis et le moulin et se rendit compte de ces diverses dispositions.
— Voici notre quartier général, dit-il en désignant le logis, et voici notre ligne de retraite, ajouta-t-il en montrant l’escalier qui conduisait au moulin.
— Nous allons donc nous battre ? demanda Picouic.
— Aurais-tu peur ? dit Charles.
— Non, monseigneur, mais comme les gens de céans sont partis, je supposais.
— Alerte ! cria Pardaillan.
La troupe de Guise, en effet, apparaissait à ce moment sur le petit plateau de la butte. Pardaillan ouvrit la fenêtre et cria :
— Holà messieurs ! qui êtes-vous ? que désirez-vous ?
— Qui êtes-vous vous-même ? fit dans la nuit une voix impérieuse.
— Ma foi, monseigneur duc, répondit Pardaillan, en reconnaissant la voix de Guise, je suis le meunier du joli moulin de la butte… Qu’y a-t-il pour votre service ?
— Meunier ou non, dit le duc, vous avez tout à l’heure tiré sur mes gens qui montaient le sentier sans autre intention que de patrouiller. Qui que vous soyez, je vous tiens pour responsable de cette violence, si vous êtes le chef des rebelles enfermés ici. En conséquence, je vous préviens que vous serez pendu haut et court, à moins que vous ne sortiez à l’instant. Auquel cas, il vous sera fait grâce de la vie et il vous sera permis d’emmener vos hommes.
— Un instant, monseigneur, me sera-t-il permis d’emporter aussi les trente sacs pleins d’or que vous venez piller ?
— Sortez, hurla le duc furieux, livrez-nous la place, ou nous allons vous donner l’assaut.
— Ah ! monseigneur, si vous menacez, nous allons être forcés de faire une sortie et de vous exterminer tous…
Guise qui allait jeter un ordre s’arrêta soudain avec un geste de rage.
— Ils sont peut-être cent là-dedans ! dit-il à Maineville.
Pardaillan entendit et cria :
— Nous sommes trois, monseigneur !… Trois, et c’est bien assez, savoir : M. le duc d’Angoulême, qui attend avec impatience la rencontre que vous lui avez promise ; le sieur Picouic, baladin de son métier, actuellement laquais de M. d’Angoulême, et enfin, votre serviteur chevalier de Pardaillan.
— Il ment ! dit une voix. Ils sont nombreux.
— Ma foi, venez-y voir, cria Pardaillan. Voyons, décidez-vous, venez… ou bien retirez-vous, car voici que nous allons mettre le moulin en branle et vous gênez le vent. Retirez-vous, ou par la mort-dieu, nous allons tirer.
Il y eut une vive débandade dans la troupe, chacun étant convaincu que le logis était défendu par une centaine d’arquebusiers. La présence du chevalier était une preuve de plus qu’une véritable armée était cachée là. Pardaillan éclata de rire et lança :
— Au revoir, monseigneur !
Et il referma tranquillement la fenêtre.
— Oui, au revoir ! gronda Guise pâle de fureur.
Et il donna aussitôt ses ordres. Avec les forces dont il disposait, il forma un large cercle de surveillance autour de la butte, chaque homme avait pour mission de surveiller, et non de se battre, il devait surtout prévenir au cas où on tenterait de faire sortir du moulin tout bagage qui ressemblerait à des sacs de blé. Puis il expédia un sergent à Paris.
Deux heures plus tard, ce sergent revenait, annonçant que les ordres du duc allaient s’exécuter, c’est-à-dire qu’une troupe de mille arquebusiers allait arriver.
Pendant ces deux heures, Pardaillan et ses deux compagnons s’étaient fortement barricadés. Cependant Maineville soupçonnait que le chevalier pouvait bien avoir dit la vérité ; il soupçonna
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