La Fausta
vitraux de la fenêtre, et assombri par ses soupçons, examina dans la nuit les dispositions prises par le chevalier de Pardaillan. Toutes les lumières avaient été éteintes…
— Dans un instant, je saurai ! murmura M. Peretti. Voyons… si ce Pardaillan me trahit, si Guise entre ici, que lui dirai-je… Je lui dirai…
Une violente détonation éclata soudain, l’éclair de la décharge illumina la nuit, et dans le sentier, on entendit le hurlement des blessés, la retraite précipitée des survivants…
— Ils en tiennent ! dit paisiblement le chevalier. Rechargez vos armes sans hâte… Ils vont en avoir pour une demi-heure à se concerter et à revenir de leur surprise.
M. Peretti entendit ces mots, et son visage s’éclaira d’un rapide sourire, comme la nuit s’était éclairée de la décharge des arquebuses et des pistolets.
— Ce n’est pas un traître, fit M. Peretti. Décidément M. de Guise n’aura pas mon argent. Le Béarnais sera roi !… Que n’est-il ici, au lieu d’être à La Rochelle ?…
Il ouvrit vivement la porte et appela le chevalier d’une voix caressante.
— Ne craignez rien, dit Pardaillan en s’approchant.
— Je n’ai pas peur, monsieur. Mais vous venez de dire que sans doute, il n’y aurait pas de nouvelle attaque avant une demi-heure ?
— Avant une heure, peut-être ! Eh bien ?…
— Eh bien, mon cher monsieur, le moment est venu de suivre l’excellent conseil que vous m’avez donné dans la journée… c’est-à-dire de faire filer mes trente mulets. Seulement… je crains… je redoute…
— Oui, vous craignez que M. de Guise, en trouvant le moulin vide, ne lance une bonne compagnie de cavaliers dont les chevaux auront vite fait de rattraper vos mulets…
— C’est cela même, mon noble ami… Vous me permettez, n’est-ce pas, de vous appeler ainsi ? Car vous venez de me rendre un service, voyez-vous… c’est que j’étais responsable, moi ! Et devant qui ? Devant notre Saint-Père lui-même !… Mais Sa Sainteté saura tout ce qu’elle doit au chevalier de Pardaillan !… Mais me voilà bien embarrassé ! si on me poursuit… il faudrait… ah ! mon digne et vaillant défenseur… il faudrait…
— Il faudrait, dit Pardaillan, que la troupe du duc soit arrêtée devant le moulin jusqu’au jour pour vous permettre de prendre de l’avance…
— Je n’ai jamais vu personne d’aussi intelligent que vous, dit M. Peretti avec l’accent de la plus vive admiration.
— C’est que je suis un vieux routier habitué à toutes les malices, dit Pardaillan avec un sourire. Eh bien, partez donc. Je me charge d’arrêter l’ennemi jusqu’à demain matin.
— Quoi ! vous consentez ! s’écria M. Peretti, cette fois avec une émotion sincère.
— Je vous ai dit que je voulais jouer un bon tour à M. de Guise.
— Quoi ! à vous seul, vous arrêterez cette bande bien armée !… Car je vous préviens que le meunier de céans et ses aides devront m’accompagner…
— Je m’en doute, car tous ces messieurs ressemblent à des meuniers comme je ressemble au pape.
M. Peretti tressaillit.
— Vous lui ressemblez peut-être plus que vous ne pensez… sinon par le visage, car notre Saint-Père est bien vieux, hélas… du moins par la force de caractère. Jeune homme, vous ne voulez pas de récompense, et je vois à votre air qu’il est inutile d’insister. Mais prenez cet anneau… et peut-être qu’en certaines occasions, il pourra vous être plus utile qu’une fortune…
A ces mots, M. Peretti glissa vivement une bague dans la main de Pardaillan, et sans y attacher d’autre importance, le chevalier la passa à un de ses doigts… Dix minutes plus tard, tandis que Picouic, Charles d’Angoulême et Pardaillan continuaient à tirer dans la nuit, au hasard, pour donner à l’ennemi l’impression que le moulin était bien défendu, les trente mulets rechargés de leurs précieux sacs sortaient par-derrière et se mettaient en route. M. Peretti suivait à cheval, escorté par le meunier et ses garçons transformés en gens de guerre. Quant aux servantes elles avaient pris à pied la route de Montmartre.
La caravane ayant atteint rapidement La Ville-l’Evêque, celui qui paraissait être le chef des muletiers s’approcha chapeau bas de M. Peretti et lui demanda :
— C’est bien la route d’Italie que nous reprenons ?
— Non, monsieur le comte, répondit M. Peretti : vous prendrez la route
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