La Fausta
l’instant…
Ayant ainsi parlé, son visage un instant bouleversé par la passion reprit toute sa sincérité. Elle appela ses femmes Myrthis et Léa qui lui apportèrent un costume complet de gentilhomme. Elle se défit alors des vêtements de page qu’elle avait gardés jusque-là, revêtit le nouveau costume qu’on lui venait d’apporter, mit un masque de velours noir doublé de satin blanc sur son visage, et bientôt, montant à cheval, elle prit le chemin de la rue des Barrés, escortée d’un seul domestique.
Ce domestique, c’était l’espion qui avait suivi maître Claude.
Lorsqu’ils furent arrivés rue des Barrés, l’espion prit les devants et s’arrêta devant l’hôtel d’où il avait vu sortir Claude. Fausta mit pied à terre et souleva elle-même le marteau. Au bout de quelques instants, le guichet de la porte s’ouvrit. Une figure d’homme parut derrière ce guichet.
— Que voulez-vous ? demanda l’homme qui jeta dans la rue un regard rapide et soupçonneux, lequel regard se rassura d’ailleurs en constatant qu’il n’y avait devant la porte qu’un jeune gentilhomme et son laquais.
Fausta répondit :
— Je viens de la part de monsieur le chevalier de Pardaillan, de maître Claude et de monseigneur Farnèse.
Fut-ce l’effet de cette triple recommandation ? Ou un seul de ces trois noms suffit-il ?… A peine Fausta eut-elle parlée que la porte s’ouvrit précipitamment et l’homme dit :
— Entrez, monseigneur vous attend…
« Monseigneur ! » songea Fausta en tressaillant.
Et elle entra sans hésitation apparente ; mais sa main s’assura que la dague et le pistolet qu’elle avait passés à sa ceinture pouvaient être facilement et rapidement saisis sous le manteau qui l’enveloppait.
— Venez, venez, monsieur ? dit le serviteur en traversant une antichambre.
Si vite que Fausta eût traversé cette antichambre, sorte de parloir aux vieux meubles solennels, elle n’en étudia pas moins d’un regard l’ensemble des choses qui l’entouraient. Sur un panneau de mur, elle vit un portrait de jeune femme d’une délicate et mélancolique beauté. Au-dessous du portrait, une tapisserie portait en broderie d’or cette devise qui se répétait sur d’autres panneaux : « Je charme tout. »
— Marie Touchet ! La maîtresse du roi Charles IX !…
Dans la salle où elle fut introduite, Fausta aperçut la même devise et le même portrait qui s’accompagnait là d’un autre portrait : celui de Charles IX lui-même. Fausta sourit et murmura :
— Je suis dans l’hôtel de Marie Touchet !… Et l’ami de Pardaillan… celui à qui Violetta a été confiée… c’est celui qui a insulté Guise sur la place de Grève… celui qui vient pour venger son père… c’est Charles de Valois, duc d’Angoulême… et le voici…
En effet, à ce moment, une porte s’ouvrait, et Charles d’Angoulême s’avançait rapidement, prononçant avec un indicible accent d’émotion :
— Soyez le bienvenu, monsieur, vous qui venez au nom des trois hommes qui, en cette heure, occupent ma pensée tout entière…
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Chapitre 40 LE MARIAGE DE VIOLETTA (suite)
A près le départ de Claude, le duc d’Angoulême était demeuré quelques minutes pensif, sans pouvoir détacher son esprit de cette figure sombre et rayonnante qui lui inspirait un indéfinissable sentiment : pitié, sympathie, effroi, et surtout une curiosité frémissante pour ce secret que Claude avait emporté. Sans nul doute, ce secret était terrible, Violetta le savait. Mais Charles avait juré de ne jamais interroger la jeune fille.
Bientôt la pensée de Charles prit un autre cours. L’amour, dans ce qu’il a de pur, de généreux et d’enthousiaste, l’amour tel que tout homme l’a éprouvé une fois à l’aurore de la vingtième année et qui laissera sur sa vie un parfum de poésie, l’amour vibrait dans son cœur et le faisait palpiter.
Quelques mois à peine le séparaient du bienheureux jour où Violetta lui était apparue… où l’amour était né dans son cœur sous le premier rayon de son regard.
Un jour à Orléans, comme il passait près de la cathédrale avec quelques jeunes seigneurs pour aller chasser la sarcelle dans les îlots de la Loire, il vit un rassemblement de peuple et de bourgeois autour d’une voiture de saltimbanques — rare plaisir pour une ville paisible et morose.
Les hommes regardaient avec admiration deux grands diables d’une
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