La Fausta
la grâce de Pardaillan, je tuerais le duc, quitte à être déchiré sur place par ses gardes ! Si vous demandiez cette grâce devant moi, je vous tuerais vous-même !…
En disant ces mots, Maurevert, la tête perdue de haine, les traits convulsés, la main crispée sur le manche de sa dague, paraissait en effet prêt à se ruer sur Fausta. Pourtant, il reprit rapidement son sang-froid, et s’inclinant :
— Adieu, madame. Pardonnez-moi la violence qui vient de m’emporter malgré moi-même. Pardonnez-moi de ne pouvoir vous escorter, sachant ce que vous allez demander…
— Je le demanderai pourtant, dit Fausta en se levant.
Le même rire nerveux secoua Maurevert.
— Heureusement, grinça-t-il, je n’en serai pas réduit au meurtre d’une aussi belle créature que vous êtes, madame, car je crois que le duc lui-même vous tuerait de ses mains, quelque regret qu’il en puisse éprouver ensuite, plutôt que de vous accorder la vie et la liberté de son plus mortel ennemi.
— Il me l’accordera pourtant ! dit Fausta avec cet accent d’irrésistible autorité qui courbait devant elle les fronts les plus orgueilleux. Ce qu’il refuserait à vous, à lui-même peut-être, il me le donnera, à moi !
— Vous ! s’écria Maurevert palpitant. Pourquoi ? Qui êtes-vous pour oser parler ainsi de mon maître, du maître de Paris bientôt maître du royaume !
— Je parle ainsi, parce que si vous obéissez à Guise, si Paris obéit à Guise, c’est à moi que Guise obéit ! Parce que je suis la pensée qui combine, et qu’il est seulement le bras qui agit sous l’impulsion de cette pensée ! Parce que je suis celle qui a révolutionné le royaume et chassé Henri III ! Celle qui échafaude le trône de votre roi de demain ; parce que je suis celle qui est envoyée pour rétablir l’ancien ordre de choses ébranlé par l’ignorance des rois, l’orgueil des prêtres et la révolte des peuples, parce que je suis Fausta !…
— Fausta ! murmura Maurevert en frissonnant.
Et dans son esprit éperdu s’évoqua la mystérieuse légende de puissance infinie qui escortait ce nom comme l’éclair escorte la foudre. Ce nom chuchoté avec terreur dans l’entourage du duc, ce nom qui faisait pâlir Guise lui-même, ce nom qui éveillait l’écho de la plus prodigieuse conspiration, ce nom, symbole de prestigieuse grandeur, de force irrésistible et de domination surhumaine frappa Maurevert d’une sorte d’effroi superstitieux.
Il jeta un rapide regard sur cette femme. Et elle lui apparut transfigurée, flamboyante comme si vraiment son front fût couronné d’un nimbe visible. Ses genoux se plièrent. Il se prosterna. Fausta dédaigna ce triomphe. Sans doute elle en avait obtenu de plus difficiles et de plus glorieux.
— Maurevert, dit-elle d’une voix calmée, je connais ta haine contre Pardaillan. Et maintenant que tu sais qui je suis, je te demande : veux-tu me donner la vie et la liberté de cet homme ?…
Un vertige s’empara de Maurevert. Une sorte de rage le bouleversa à la pensée que Pardaillan pouvait lui échapper. Et l’idée lui vint de se ruer sur Fausta, de la frapper à mort…, mais derrière ces portes il devina les gardes qui veillaient, prêts à accourir au premier cri ; derrière Fausta, il vit Guise menaçant, toute la Ligue lui demandant compte de ce meurtre. Il poussa un rauque soupir, et convenant aussitôt avec lui-même de remettre sa vengeance à plus tard, il murmura :
— Que votre volonté soit faite !…
Puis, comme si ses forces se fussent épuisées dans l’aveu de sa défaite, deux larmes brûlantes jaillirent de ses yeux. Il se releva en balbutiant :
— Ma haine était toute ma vie : je remets ma vie entre vos mains.
Fausta, alors, invita Maurevert à s’asseoir en lui désignant un siège, et son visage prit une expression d’enchanteresse douceur ; mais Maurevert secoua la tête.
— Voilà un homme qui est sur le point de me haïr, songea Fausta ; et il faut que dans un instant il soit prêt à m’adorer. Monsieur de Maurevert, reprit-elle tout haut, en me faisant le sacrifice volontaire de votre haine, vous avez acquis des droits à ma reconnaissance. Je veux vous offrir une récompense digne de vous.
De nouveau Maurevert secoua la tête.
— Tout d’abord, continua paisiblement Fausta, sachez que votre haine, malgré votre beau sacrifice, aura toute satisfaction.
— Que voulez-vous dire ? s’écria ardemment
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